La légende des siècles – André Frédérique
Je suis assis dans le métro
je me trouve au ciné
dans la rue je marche je marche
je croise des inconnus
Je me lave
avec un gant troué
je me rase me coupe
et saignant je vais aux cabinets
J’ai le rhume
je travaille au bureau
je bois de la potion
je crache
Mon père monte l’escalier
je dors
je me brosse
je me coupe l’ongle du pouce
Il m’arrive de m’asseoir
au Luxembourg sur une chaise
ou de regarder les affiches
J’achète le journal du soir
j’écris à Madame Souchu
je voyage
la Bretagne la Normandie la grande banlieue
Je donne du linge à la blanchisseuse
je fais repeindre le placard
je ramasse un écrou
je pisse
J’ai un album de photos
un baromètre que je consulte rarement
quand je m’ennuie je bâille
je mange du veau
J’ai mal à l’œil
je pense
aux économies aux pays du rêve
aux demoiselles
Oui oui que voulez-vous
Un gros catalogue de
machines aratoires des étiquettes
du papier de boucherie et j’en passe
il se peut que je vomisse
Voilà le secret
être philosophe
Je suis dur d’oreille
mon restaurant tantôt ci tantôt là
je suis assis dans le métro.