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Dounia et la princesse d’Alep – Marya Zarif

Dounia et la princesse d’Alep – Marya Zarif

Alors que la petite Dounia vit en paix à Alep, avec ses grands-parents, la guerre éclate en Syrie. Du jour au lendemain, toute la famille doit quitter le pays vers l’Europe. Mais Dounia a plus d’un tour dans son sac, et tentera de déjouer tous les pièges qui s’offrent à elle avec malice, et un soupçon de magie. Son aventure pourrait la mener encore plus loin qu’elle l’imaginait…

La petite Dounia n’est pas née au cinéma. De fait, c’est dans une web-série diffusée sur Télé-Québec qu’elle prend vie, sous la plume passionnée de Marya Zarif. Artiste polyvalente, aimant à se définir elle-même comme créatrice, elle livre également une bande dessinée en 2021, chez Bayard Canada. Cependant, les lignes directrices du personnage, sur petit ou grand écran, en dessin figé ou animé, demeurent : partage et universalisme.

Dounia et la princesse d’Alep s’apprécie comme une grande rasade de tendresse. Comment ne pas s’émouvoir devant cette jeune fille qui représente le monde, jusque dans son prénom en arabe, à la fière chevelure d’un noir de jais, semblant abriter toutes les étoiles du ciel ? La première réussite de Marya Zarif et de son compère André Kadi à la coréalisation – est d’insuffler joie et innocence à une histoire qui, de prime abord, est emplie de tristesse. En effet, c’est à l’exil que Dounia est condamnée, alors que ni son père, ni sa mère ne sont là pour l’accompagner. Mais Dounia est heureuse et rend heureuse autour d’elle. Dans les rues d’Alep, elle respire l’atmosphère d’une vie qui refuse de s’éteindre. Au marché, à la maison, les saveurs, les couleurs et les mélodies de la Syrie enjolivent le quotidien. Cela est par exemple retranscrit à la manière de garder les accents des personnages, ou bien de laisser l’arabe respirer dans quelques dialogues et interjections, ce qui fait vibrer l’œuvre de sincérité et appuie sa singularité.

Le rendu visuel renforce la puissance métaphorique et symbolique du récit. Ce dernier, qui tient plutôt à l’originalité de son traitement que celui de son déroulé, laisse entrevoir quelques jolies expressions de fantasmagories vivantes et colorées. Car la magie n’est jamais loin. À cet égard, la direction artistique est au niveau de l’ambition formelle initiale, aussi simple qu’exigeante. L’exil est une entreprise périlleuse, mais Dounia, vaillante, peut compter sur une forme de chance, qui oscille entre le coup de pouce du destin et le petit miracle. C’est bien elle qui la provoque, en employant son ingrédient fétiche, celui qui rend les plats sains et délicieux, dénoue les angoisses et fait naître les solutions. Mais chut, il faut le garder secret…

Il convient alors de lire ce joli spectacle sous tous ces angles. Point de naïveté dans Dounia. Guère plus de pessimisme pour autant. Il faut y lire une forme d’équilibre bienvenu. Certes, Dounia a besoin de magie pour sortir de son pays en guerre, et à chaque étape de son parcours. Voilà qui fait froid dans le dos et porte un discours en soi. Un discours si dur à admettre, mais qui comporte une part de justesse : ce périple est terrible de difficulté, et nécessite un petit grain de magie pour avancer. Cependant, cette magie ne se mélange-t-elle pas à l’élan de courage, de solidarité et de détermination exceptionnel de nos protagonistes ? Plus encore, n’y répond t-elle pas ? Plus nuancé qu’il pourrait paraître, le film parvient même à aborder sans détour des sujets difficiles, sans toujours user de la métaphore à valeur d’euphémisme, alors qu’on voit par exemple nos personnages dormir dans la rue.

C’est en trouvant la balance entre un réalisme froid et une part de fantasme allégorique que le film accroche un spectateur attendri, aussi éprouvé que rassuré. Car il y a bien une vérité que personne ne contestera à Dounia : c’est sa capacité à se nourrir, et à revendre de l’espoir.

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