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La chair qui commence – Léon Degrelle

La chair qui commence – Léon Degrelle

Les hommes peuvent s’abaisser, vivre dans une agitation de plus en plus frénétique, et des millions de tarés bomber le torse : la noblesse maternelle conserve parmi des milliers de cœurs naturels et vibrants son rayonnement pathétique.

Elle émeut aujourd’hui comme aux jours où les premières femmes sentirent leur corps agité par d’indicibles tressaillements.

Dès cette heure-là elles ne sont plus les mêmes.

Hier elles couraient, l’œil clair, l’âme vide, les lèvres distraites.

La vie naissant en elles comme une floraison cachée leur donne tout à coup une gravité, une assurance, une grande force fière, la certitude de créer, de donner, et le charme ému du mystère vivant qui jaillira un jour de leurs douleurs.


Elles passent encore en riant mais leur regard est plus profond.

Elles portent en elles un trésor dont les palpitations se lient à leurs palpitations les plus intimes. Leurs élans, leur mélancolie, ce grand idéal, inavoué parfois, qui les soulève ou les tourmente, les pensées et les regrets, les joies et les désirs ne font plus qu’un avec cette vie invisible à tous, présente à chaque instant pour elles qui lui donnent sang et âme dans une communion exacte de chair et de cœur.

Elles sont vaillantes et lasses.

Lasses du corps qui fléchit, lasses de leur jeunesse courbée comme des branches de fruits trop lourdes, lasses de soleil et de vent.

Mais vaillantes du renouveau que leur sein contient tendrement, dans cette chair que leurs vibrations les plus délicates modèlent.

Elles savent que cette âme-fleur, ouverte à peine dans la nuit, sera demain fraîcheur, innocence si leur cœur à elles qui la couvre comme le ciel nocturne est rempli de la douceur et de la paix des nuits où tout n’est qu’étoiles et silence.

Parmi le monde qui bruit elles portent cette nuit de lumière.

Leurs yeux rêveurs contemplent ces grands paysages lunaires où un monde connu d’elles seules sommeille, puissant et immense.

Elles regardent ces montagnes bleues, ces eaux noires et lisses, cet enchantement du ciel criblé de feux sertis dans le jais des soirs comme des pierres inaccessibles.

Elles avancent sous ces clartés nocturnes, le cœur serré mais le pas sûr. Personne d’autre ne chemine. L’univers est distrait. Elles seules veillent. Elles seuls ont les yeux de la chair. Elles progressent, le corps lourd, l’âme tendue, élevée, comme aspirée par cette grandeur des nuits secrètes.

Ces mois où la chair fleurit sont leur printemps exclusif où les ombres et les parfums, les couleurs et les lumières n’atteignent que leur grand amour, tendu à bras ouverts à la vie comme un verger du cœur.

Elles connaîtront la libération des aubes charnelles et le détachement du rêve puis les constants efforts, courbées vers ces corps et ces âmes qui les enchantent et qui leur font peur.

Royauté tremblante et radieuse.

Que renaîtra-t-il dans ces cœurs ?

Garderont-ils le chant et la virginité des eaux de montagnes ?

Ces yeux naïfs feront-ils un jour pleurer ? Cette petite tête bouclée, couleur du soleil sur le mur de pierre, portera-t-elle les pensées nettes, l’idéal dont la mère a rêvé, comme de glaïeuls ardents ?

Le mieux, pour ne pas trop craindre, sera de tracer soi-même la route rectiligne mais bordée de verdure et de bois frais, au-dessus de laquelle voyagent les blancheurs qui lissent les chemins de terre à ciel.

La maman ne mettra dans le cœur des petits, une fois de plus, que ce qu’elle aura nourri en elle-même.

Leur âme contiendra ce que la sienne aura contenu.

Les images de son cœur traceront sur eux de grands reflets, comme on voit des ombres avancer dans les champs sous les nuages blancs des grands cieux déployés et tièdes.

Elle ne pourra supporter leur regard que si son âme est aussi nette que la leur.

Tout ce qui n’est pas frais et pur étonne les enfants et déteint sur leur cœur.

Ils ne seront plus tard force et renoncement, sagesse et simplicité, vertu et joie, que si la nourriture spirituelle fut candide comme l’avait été le lait originel.

Les visages des mères sont nobles, souverainement clairs lorsque la pureté des vies volontairement innocentes les a rafraîchies aux mille matins des sacrifices.

Femmes privilégiées, dont la chair tressaille, tournées vers le rêve intérieur, qu’habite et brûle le grand secret de la vie qui commence…

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