Dans son bain de vapeur, le riche salopard pleurait – Charles Bukowski
dans son bain de vapeur, le riche salopard pleurait. il possédait tous les enregistrements possibles de J.S. Bach, sans que ça l’ait rendu plus heureux. chez lui, il avait fait poser des vitraux, et accrocher au mur la photo d’une religieuse en train de pisser. mais son humeur ne s’en était pas trouvée modifiée. une fois, en plein désert du Nevada, un chauffeur de taxi avait été assassiné sur ses ordres, et lui, il l’avait regardé mourir. le plaisir qu’il y avait pris n’avait pas excédé trente petites minutes. il avait aussi crucifié des chiens, puis leur avait brûlé les yeux avec l’un de ses cigares à un dollar pièce. pas de quoi, en définitive, grimper aux rideaux. et combien de poulettes superbes aux jambes dorées s’était-il embourbées sans jamais s’éclater !
rien ne le tirait de sa morosité.
quand il prenait son bain, il exigeait qu’on brûle des fougères exotiques, et il ne se privait pas de jeter le contenu de son verre à la gueule de son majordome.
c’était un bâtard de rupin, de la bouillie sournoise. une vieille couille molle. qui glaviotait dans le cœur des roses.
sur cette table de massage, il n’arrêtait pas de sangloter pendant que je fumais l’un de ses cigares à un dollar.
— aide-moi, SEIGNEUR, aide-moi, s’est-il mis à hurler.
enfin, la bonne parole !
— patientez, c’est juste l’affaire d’une minute, lui ai-je dit.
j’ai été jusqu’au vestiaire, et j’y ai pris le ceinturon. il s’est alors accroupi en travers de la table, m’offrant toute sa viande blanchâtre, son cul couvert de poils répugnants, et je l’ai fouetté, avec la boucle du ceinturon, et pas qu’une fois.
ZAP !ZAP !
ZAP ! ZAP ! ZAP !
il est tombé comme un crabe qui chercherait l’océan. il s’est traîné par terre et je l’ai suivi, en le frappant encore avec la boucle.
ZAP !
ZAP !
ZAP !
quand il a laissé échapper ses dernières plaintes, je me suis penché vers lui et je l’ai brûlé avec le cigare.
il s’est alors remis sur le dos et a souri.
je suis allé dans la cuisine, où, tranquillement assis, son avocat buvait un café.
— terminé ? a-t-il demandé.
— vouais.
il m’a compté cinq billets de dix et les a jetés sur la table.
après m’être servi un café, je me suis moi aussi assis. le cigare me brûlait les doigts, je l’ai balancé dans l’évier.
— quel monde, putain, quel monde !
— n’est-ce pas ? a fait l’avocat. votre prédécesseur n’a tenu qu’un mois.
on a continué à siroter notre café. la cuisine valait le coup d’œil.
— revenez mercredi prochain.
— dites, pourquoi ne le faites-vous pas vous-même ?
— MOI ? s’est-il exclamé, je suis bien trop sensible !
on a éclaté de rire, et j’ai rajouté deux sucres dans ma tasse.