Verse à boire ! – Abû Nuwâs
Dis-moi : « Voilà du vin ! », en me versant à boire.
Mais surtout, que ce soit en public et notoire.
Ce n’est qu’à jeun que je sens que j’ai tort.
Je n’ai gagné qu’en étant ivre-mort.
Proclame haut le nom de celui que tu aimes,
car il n’est rien de bon dans les plaisirs cachés.
Nous avons réveillé la tavernière amène,
quand les Gémeaux s’en vont et que l’Aigle a percé.
Elle dit : « Qui va là ? » – « Mauvais garçons
nous sommes,
porteurs de flacons vides, amateurs de vin fort.
Il nous faut de l’amour ! » – « Mieux vaut, dit-elle,
en somme,
sacrifier un garçon brillant comme un sou d’or. »
« Qu’il vienne ! », avons-nous dit, « car pareille fortune
ne peut se faire attendre, sous peine de mort ».
Quand elle l’amena, comme la pleine lune,
nous fûmes fascinés – sans qu’il nous jette un sort.
Nous allâmes vers lui, l’un après l’autre, boire
et nous avons rompu notre jeûne avec lui.
Puis, en mauvais garçons, nous passâmes la nuit
à commettre les pires méfaits – et sans gloire.