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Sans domicile – Gary Snyder

Sans domicile – Gary Snyder

(Extrait)

Pour les bouddhistes, le terme « sans domicile » désigne un moine ou un prêtre (en japonais, shukke : littéralement « hors de la maison »). Le terme se réfère à quelqu’un qui a, dit-on, laissé derrière lui sa vie de chef de famille, les tentations et obligations du monde profane. Une autre expression, « quitter le monde », signifie se détacher des imperfections liées au comportement humain et plus particulièrement accentuées par la vie urbaine. Cela ne signifie pas que l’on prenne ses distances vis-à-vis du monde naturel. Cela a conduit certains à vivre en ermites de montagnes ou dans des communautés religieuses. On a posé la « maison » contre les « montagnes » ou la « pureté ». En développant une plus large perspective du monde des sans domicile, le poète du Ve siècle Zhiang-yan dit qu’un bon ermite devrait « prendre les cieux pourpres pour cabane, la mer qui l’entoure pour point d’eau, tonnant de rire dans sa nudité, marchant en chantant, cheveux au vent ». Le poète du début de la période Tang, Han-shan, est considéré comme le véritable modèle du reclus ; sa maison spacieuse touche l’extrémité de l’univers.

Depuis que j’habite à Han-shan,
Combien de dizaines de milliers d’années ont passé ?
Suivant mon cours, retiré dans la forêt près d’une source,
Je déambule, me repose et contemple à ma guise
La falaise est froide, les hommes ne viennent pas
Les nuages blancs sans cesse s’amoncellent
Les herbes tendres pour couverture,
Joyeux, la tête sur une pierre,
Je laisse ciel et terre poursuivre leur changement.

« Sans domicile » finit dans ce cas par signifier « chez soi dans l’univers tout entier ». De la même manière, les plus indépendants d’entre nous qui n’ont pas perdu le sens de la totalité du lieu sont capables de percevoir leur foyer, les montagnes et les bois de la région comme appartenant à la même sphère.

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