Eté – Jean-Joseph Rabearivelo
Sème, sème l’été,
sème des grains d’eau lumineux.
Plante, plante l’été,
plante des tiges d’eau frêles.
Sème, sème, plante, plante,
sème et plante dans le crépuscule.
Qui ou quoi moissonnera les épis ?
Qui ou quoi cueillera les fruits ?
Est-ce le petit oiseau brûlé de soif
venu des sylves gorgées de cours d’eau pure
celée, celée sous des ronces?
Ou l’abeille qui est comme ivre de soleil
et qui titube au cœur des branches ?
Ou la femme-enfant qui vient de dénouer sa chevelure
et qui a lavé des effets au bord du fleuve ?
Ou bien une source, quelque part, s’est-elle tarie
au point que son jaillissement éteint regrette les fleuves ?
Mais n’est-ce pas plutôt qu’un fleuve bruissant,
ici ou là, n’arrive plus jusqu’au golfe,
et n’arrive plus à grossir la mer ?
Ou que la plantation de ceux qui sont sous la terre
devient deux fois ombre dans les ténèbres ?
Je crois, moi, que ce sont les plantes
qui brûlent d’offrir à mes yeux parfois bleus,
et brûlent d’offrir au jour frais éclos
qui fermera ses ailes au seuil de la nuit,
des épis et des fruits fécondés par l’été.