Lumière – Nérée Beauchemin
Perdu dans les brouillards du sophisme et du doute,
Le monde, dans un noir tournoiement emporté,
S’effarait, quand soudain retentit sur la route
La voix de l’immanente infaillibilité.
Et l’on vit, aveuglant les fils de Zoroastre,
Perçant l’ombre où la haine occulte écume encore,
Brillante des clartés que verse un lever d’astre,
Resplendir la tiare aux trois couronnes d’or.
Triple soleil d’espoir éclatant dans la brume
Du sombre gouffre humain. Triple feu du flambeau
Que Rome aux chandeliers à sept branches allume.
Triple splendeur de Paul s’élançant du tombeau.
Hosanna ! Béni soit Léon, l’homme-lumière,
L’être divinisé, l’être immatériel,
L’âme, l’élu, le saint, l’ange intermédiaire
Entre Job et Jésus, entre l’homme et le ciel.
Il n’a plus qu’un lambeau de pourpre et de couronne,
Mais cet humble martyr qui pleure et qui sourit,
Ce divin qui bénit, ce clément qui pardonne,
À jamais reste roi par le verbe et l’esprit.
Ce souverain qui n’a que son titre de père ;
Qui, pour sceptre, n’a plus qu’un roseau de pasteur,
Ce prince de douleur, d’angoisse et de misère,
Apparaît à nos yeux comme un triomphateur.
Au-dessus de ces fronts royaux que l’anarchie
Menace, beau de calme et de sérénité,
Il se dresse, et l’on voit sur sa tête blanchie
Flotter comme une vague aube d’éternité.
Il parle, et l’Occident se prosterne en prière ;
Il appelle, et, là-bas, l’Orient, solennel,
Dans la chape d’argent de sa gloire première,
Exulte au cri du pape et vibre à son appel.
Les profondeurs de l’autre azur frémissent toutes,
Et la Miséricorde en pleurs, sur l’univers
Épandant les trésors des suprêmes absoutes,
Rouvre les cieux fermés et ferme les enfers.
De l’aurore au couchant, l’encyclique féconde,
Dans le déclin du grand siècle qui va finir,
Sous le souffle de Dieu, s’en va de par le monde
Répandre amour et paix, consoler et bénir.
Gloire au nouveau Jean ! gloire à l’aigle des symboles !
Gloire au révélateur des secrets de Sion !
Au voyant dont le front constellé d’auréoles
S’incline sous le vent de l’inspiration !
Béni soit-il, celui dont le vaste génie,
Sur l’abîme du dogme ancien toujours nouveau,
Ouvrant une nouvelle échappée infinie,
Voit plus large, descend plus profond, va plus haut.
Gloire au Buonarotti de la foi catholique,
Qui bâtit, sur le roc de Pierre, un monument
Taillé dans le carrare et dans le pentélique,
Éblouissant d’azur, d’or et de diamant.