En route pour Dakar – Blaise Cendrars
L’air est froid
La mer est d’acier
Le ciel est froid
Mon corps est d’acier
Adieu Europe que je quitte pour la première fois depuis 1914
Rien ne m’intéresse plus à ton bord pas plus que les émigrants de l’entrepont juifs russes basques espagnols portugais et saltimbanques allemands qui regrettent Paris
Je veux tout oublier ne plus parler tes langues et coucher avec des nègres et des négresses des indiens et des indiennes des animaux des plantes
Et prendre un bain et vivre dans l’eau
Et prendre un bain et vivre dans le soleil en compagnie d’un gros bananier
Et aimer le gros bourgeon de cette plante
Me segmenter moi-même
Et devenir dur comme un caillou
Tomber à pic
Couler à fond.