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Tempête – Fernando Pessoa

Tempête – Fernando Pessoa

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Tempête

Démesuré, un silence livide pèse obscurément. A sa façon, tout près d’ici, parmi l’errance rare et rapide des carrioles, un camion tonne — écho dérisoire, mécanique, de ce qui se passe très réellement dans le lointain tout proche des cieux.

De nouveau, sans crier gare, jaillit une lueur magnétique en battant des paupières. Le cœur bat, aspire une brève gorgée d’air. Un flacon se brise tout là-haut, en grands éclats arrondis.

A nouveau un drap de pluie mauvaise griffe le bruit du sol.

Le patron Vasques nous montre un visage livide, d’un ton verdâtre, faux et désorienté. Je le remarque (tandis que l’air pénètre difficilement dans ma poitrine) avec un sentiment de fraternité, car je sais bien que, moi aussi, je dois avoir cet air-là.

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