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Jouets soviétiques – Dziga Vertov

Jouets soviétiques – Dziga Vertov

Dziga Vertov est surtout connu pour son éblouissante symphonie urbaine A Man with a Movie Camera. Vertov a également réalisé le tout premier film d’animation de l’Union soviétique, Jouets soviétiques.

Constitué en grande partie de simples dessins au trait, le film manque clairement de la verve et de la sophistication visuelle qui ont marqué A Man with a Movie Camera, mais Vertov affiche toujours un talent certain pour faire des images frappantes et piquantes. Sans connaissance de la politique soviétique des années 20, le film – bourré d’allégories marxistes – peut passer pour très étrange.

Jouets soviétiques est sorti en 1925, pendant la Nouvelle Politique Economique de Lénine (NEP), qui a donné quelques avantages commerciaux aux petits agriculteurs. Comme on pouvait s’y attendre, les paysans ont commencé à produire beaucoup plus de nourriture qu’auparavant, et bientôt une nouvelle classe de commerçants intermédiaires s’est formée – les « NEPmen », fortement critiqués.

Le film commence avec un NEPman — une caricature gonflée d’un capitaliste — dévorant un énorme tas de nourriture. Il est tellement gonflé qu’il passera une grande partie du reste du film étendu sur le sol. Il rote ensuite des richesses pour une femme qui est en train de faire du french cancan sur son ventre gonflé.

Plus tard, sous le regard d’un duo de prêtres orthodoxes russes qui se chamaillent, un ouvrier tente de soutirer de l’argent au NEPman en lui coupant l’intestin avec une énorme paire de ciseaux. Cela échoue, et l’ouvrier à l’aide d’un paysan de passage fusionnent les corps pour créer un être bicéphale qui piétine le ventre du capitaliste, qui s’ouvre comme une piñata remplie d’argent. Ensuite, les membres de l’Armée rouge s’empilent et forment une sorte de pyramide humaine avant de se transformer en arbre géant. Ils pendent le capitaliste avec les prêtres. The end.

Certaines des références dans ce film sont claires : l’utilisation de ciseaux par l’ouvrier pointe vers la « crise des ciseaux » – une tentative du gouvernement central de corriger le déséquilibre des prix entre l’agriculture et les biens industriels. Et la fusion physique de la paysannerie et du prolétariat est une représentation du rêve jamais réalisé des bolcheviks. D’autres images sont un peu plus obscures : les gros plans du capitaliste, la petite amie du NEPman qui disparaît dans son estomac, le cinéaste révolutionnaire qui a les yeux d’un objectif de caméra et la bouche d’un obturateur de caméra.

La vague impression d’être dans un rêve fiévreux marxiste.

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