Tu m’as abandonné il y a déjà trente ans – György Faludy
Tu m’as abandonné il y a déjà trente ans. Je t’aime encore.
Te souviens-tu comme j’embrassais en pure perte tes lèvres sans vie ?
Nous espérions alors avoir huit enfants, mais un seul est advenu.
La vie d’exil est affligée de misère et de douleur.
Notre amour était comme roc, non pas comme des plates-bandes étiolées
Pendant cinquante ans il s’est tenu fier et debout
bien que faire l’amour fut macération, tu disais, cruellement.
Cela te répugnait, aussi je ne t’inquiétais point du tout.
Mais une fois, juste avant que tu meures, dans la pénombre de la nuit,
Tu serras mon corps entre tes bras, m’embrassa si fort
que cela me fut pénible. Mais maintenant tu coules rapidement, malade, cancéreuse.
« Cela ne peut pas être vrai. C’est l’extase, c’est le paradis ! », disais –tu dans un râle
et tu tombas ensuite de sommeil. J’étais agenouillé sur le lit, horrifié.
Pour la première fois de notre vie. Je pleurais. Pour la première fois et la dernière.