Le gué de la rivière de Kaboul – Rudyard Kipling
La ville de Kaboul sur la rivière de Kaboul —
Sonnez le clairon, sabre au clair —
J’ai laissé là et pour toujours un compagnon,
Tout dégoulinant au milieu du gué.
Le gué, le gué, le gué de la rivière de Kaboul,
Le gué de la rivière de Kaboul dans l’obscurité !
Il y a la rivière, haute et prête à déborder, et la moitié d’un escadron qui nage
Pour passer le gué de la rivière de Kaboul dans l’obscurité.
La ville de Kaboul, c’est un sacré bled —
Sonnez le clairon, sabre au clair —
Sûr que j’oublierai jamais son visage
Tout dégoulinant au milieu du gué !
Le gué, le gué, le gué de la rivière de Kaboul,
Le gué de la rivière de Kaboul dans l’obscurité !
Restez tout près des pieux dans l’eau, ils vous guideront sans risque
Pour passer le gué de la rivière de Kaboul dans l’obscurité.
La ville de Kaboul, c’est du soleil et de la poussière —
Sonnez le clairon, sabre au clair —
J’aurais mieux aimé me noyer moi
Plutôt que lui dans ce gué
Le gué, le gué, le gué de la rivière de Kaboul
Le gué de la rivière de Kaboul dans l’obscurité !
On entend les chevaux qui s’ébrouent ; on entend les hommes qui pataugent,
Pour passer le gué de la rivière de Kaboul dans l’obscurité.
La ville de Kaboul, on l’a prise —
Sonnez le clairon, sabre au clair —
Je l’aurais bien abandonnée en échange —
De celui qui m’a abandonné au milieu du gué.
Le gué, le gué, le gué de la rivière de Kaboul,
Le gué de la rivière de Kaboul dans l’obscurité !
La fameuse sécheresse, là-bas on connaît pas ; pourquoi vous ne venez jamais dans le coin,
Pour passer le gué de la rivière de Kaboul dans l’obscurité ?
La ville de Kaboul ira en enfer
Sonnez le clairon, sabre au clair —
Avant que je le voie vivant et en bonne santé,
Lui, le meilleur au milieu du gué.
Le gué, le gué, le gué de la rivière de Kaboul,
Le gué de la rivière de Kaboul dans l’obscurité !
Que Dieu les aide s’ils trébuchent, car alors leurs bottes les entraîneraient dans le fond
Du gué de la rivière de Kaboul dans l’obscurité.
Détournez votre cheval de la ville de Kaboul —
Sonnez le clairon, sabre au clair —
Lui et la moitié de mon escadron sont tombés,
Sont tombés et se sont noyés au milieu du gué.
Le gué, le gué, le gué de la rivière de Kaboul,
Le gué de la rivière de Kaboul dans l’obscurité !
Maintenant la rivière est basse et en décrue, mais ça ne sert à rien d’appeler
Au milieu du gué de la rivière de Kaboul dans l’obscurité.