Je voudrais être une alouette – Frédéric Nietzsche
Je voudrais être une alouette
Je m’élancerais alors à la première lueur Du nouveau jour dans les airs
Haut par-dessus val et forêt et gouffre
Le rossignol chante sur la branche à voix forte
Le ruisseau murmure en passant près de moi
Un vœu par son doux bruissement s’énonce à voix haute
En mon cœur Ô puissé-je toujours être
En tes hautes futaies superbe forêt allemande
Je me sens soulevé de terre
Ô jour de jubilation approche vite oh vite
Où s’accomplira pour moi ce vœu
Voici que je repose enveloppé d’un doux sommeil
Je rêve qu’averti de toute langue
Je comprends ce que les gracieux oiseaux chantent
Et ce que chuchotent les fleurs multicolores
Maint doux secret me fut révélé
Et quand enfin je me suis éveillé de ce sommeil
Je poursuivis mon chemin avec un délicieux frisson
Avançant à travers la verte forêt et pensai :
En toi est la liberté, en toi est la vie,
Ô miraculeusement belle, forêt allemande
Où m’entourent de nobles chênes
Et résonne alentour une jubilation pure
Étendu sur de doux gazons
J’oublie tous mes soucis
Recouvert de fleurs par vagues
Je sors du sommeil très soigneusement protégé.
Les alouettes me devancent avec des cris d’allégresse,
L’âme s’élance joyeusement à leur suite,
Vers la maison de père, vers la maison de père
Te mène la clarté du jour!
Jadis j’ai émigré dehors dans le monde ;
Oui j’ai été ce jour-là en cette extrémité.
Mon cœur a été pris d’angoisse et d’horreur
Face à ce qui m’attendait.
La clarté du jour me conduisait,
Loin, très loin de la maison de père.
Les chants anciens résonnaient derrière moi,
La joie d’autrefois était morte.
Ô rossignol, chante à présent et dis-le,
Chante-le au monde entier :
Finie la douleur, passée la plainte,
Une fois dans la maison chérie de père !