Scénographie – Adolphe Appia
Une formidable part des arts visuels modernes est influencée par la scénographie. Au fil des années, les maîtres de ce domaine ont en effet résolu l’un des problèmes les plus complexes de la discipline, à savoir la construction d’un espace et d’une dynamique de profondeur, avec des ressources spatiales limitées. L’un de ces artistes précurseurs est Adolphe Appia. Il était un architecte suisse et un théoricien de l’éclairage et de la décoration de scène.
Appia est surtout connu pour ses nombreuses conceptions scéniques pour les opéras de Wagner. Il a rejeté les décors peints en deux dimensions pour les décors tridimensionnels « vivants » parce qu’il croyait fermement que l’ombre était aussi nécessaire que la lumière pour former une connexion entre l’acteur et le décor du spectacle, dans le temps comme dans l’espace. En utilisant le contrôle de l’intensité lumineuse, de la couleur et de la manipulation, Appia a créé une nouvelle perspective de la scénographie et de l’éclairage scénique.
Les metteurs en scène et les concepteurs postérieurs se sont tous inspirés du travail d’Adolphe Appia, dont les théories de conception et les conceptualisations des opéras de Wagner ont contribué à façonner les perceptions modernes de la relation entre l’espace de représentation et l’éclairage. L’une des raisons de l’influence du travail et des théories d’Appia est qu’il travaillait à une époque où l’éclairage électrique ne faisait qu’évoluer. Un autre est qu’il était un visionnaire, capable de conceptualiser et de philosopher sur ses pratiques et théories.
Le principe central d’une grande partie du travail d’Appia est que l’unité artistique est la fonction première du metteur en scène et du designer. Appia soutenait que la peinture de plateau bidimensionnelle et la dynamique de performance qu’elle créait était la cause principale de la désunion de production à son époque. Il a préconisé trois éléments fondamentaux pour créer une mise en scène unifiée et efficace :
- Mouvements dynamiques et tridimensionnels par les acteurs
- Paysage perpendiculaire
- Utilisation de la profondeur et de la dynamique horizontale de l’espace de performance
Appia voyait la lumière, l’espace et le corps humain comme des matériaux malléables devant être intégrés pour créer une mise en scène unifiée. Il a prôné la synchronisation du son, de la lumière et du mouvement dans ses productions d’opéras de Wagner et il a essayé d’intégrer les corps d’acteurs aux rythmes et aux ambiances de la musique.
Appia considérait la lumière comme l’élément principal qui fusionnait tous les aspects d’une production et essayait constamment d’unifier les éléments musicaux et de mouvement du texte et de la partition aux aspects plus mystiques et symboliques de la lumière. Il a souvent essayé de faire en sorte que les acteurs, chanteurs et danseurs commencent par un geste ou un mouvement symbolique fort et se terminent par une autre pose ou un autre geste symbolique fort. Dans ses productions, la lumière changeait sans cesse, manipulée d’instant en instant, d’action en action. En fin de compte, Appia a cherché à unifier le mouvement scénique et l’utilisation de l’espace, du rythme scénique et de la mise en scène.
Appia a été l’un des premiers concepteurs à comprendre le potentiel de l’éclairage scénique pour faire plus que simplement illuminer les acteurs et les décors peints. Ses idées sur la mise en scène du « drame des mots », ainsi que ses propres mises en scène de Tristan und Isolde (Milan 1923) et certaines parties du Ring (Bâle 1924-25) ont influencé les mises en scène ultérieures, en particulier celles de la seconde moitié du XXe siècle.
Pour Appia et pour ses productions, la mise en scène et la totalité ou l’unité de l’expérience de la performance était primordiale et il croyait que ces éléments entraînaient le mouvement et initiaient l’action plus que toute autre chose. Les conceptions et théories d’Appia ont inspiré de nombreux autres créateurs de théâtre comme Edward Gordon Craig, Jacques Copeau ou encore Wieland Wagner.