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Vente au rabais – Vladimir Maïakovski

Vente au rabais – Vladimir Maïakovski

Que je charme une femme et qu’un roman j’ébauche,
que même, par hasard, je regarde un passant,
et prudemment chacun met sa main sur sa poche.
Pourtant
que pourrait-on
prendre à des mendiants ?

Client pour ma sagène au cimetière en friche,
combien de temps encore va s’écouler avant
qu’on sache que je suis
infiniment plus riche
que n’importe lequel de ces Pierpont Morgan ?

Je ne suis aujourd’hui qu’un pitre qu’on redoute,
mais dans combien de temps des professeurs zélés
commenteront mes vers ? je serai mort, sans doute,
que de faim je crève ou
d’un coup de pistolet.
De sa chaire, un crétin au gros front bosselé
va dire que j’étais moitié Dieu, moitié Diable ;
où,
comment,
depuis quand
je serais évocable…

si bien qu’on ne saura
si c’est moi ou pas moi !
La foule vaniteuse
enfreindra toutes bornes,
accourant empressée et, dans un grand émoi,
sur ma tête peindra l’auréole, ou des cornes…

Ecoutez !

Tout, oui tout ce dont mon âme est pleine :
ses trésors
ne pouvant même pas se compter
dont s’ornent tous mes pas vers l’immortalité,
où veille agenouillée une assemblée humaine,
tout cela, tout cela,
je vous l’offre à présent
pour un seul mot humain,
un seul mot caressant.

Venez donc par les champs ou par les boulevards,
venez à Pétersbourg
de partout sur la terre !
Ma couronne sans prix, couronne de lumière,
est rue Nadejenski
à vendre moins d’un liard !

Un mot venant du cœur
est son prix véritable !
Allons !
ce n’est pas cher…
Pourtant
c’est introuvable !

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