Quelques mots sur moi – Vladimir Maïakovski
J’aime regarder mourir les enfants.
Avez-vous remarqué le flot ténébreux de la marée montante du rire
derrière la trompe de la mélancolie ?
Moi
dans la salle de lecture des rues
j’ai si souvent feuilleté le tome du cercueil.
Minuit
me cherchait à tâtons de ses doigts humides
Moi et la palissade défoncée,
et l’église folle galopait
avec des gouttes d’averse sur la calvitie de sa coupole.
Je vois le Christ qui a fui de l’icône
et la boue qui embrassait en pleurant
l’extrémité de sa tunique gonflée de vent.
Et je crie aux briques,
j’enfonce le poignard de mots délirants
dans la chair enflée du ciel :
« Soleil !
Mon père !
Aie au moins pitié et cesse de me torturer !
C’est mon sang répandu par toi qui coule le long des routes !
Ce nuage déchiré en morceaux
dans le ciel incendié
sur la croix rouillée d’un clocher,
C’est mon âme !
Temps!
Toi au moins, enlumineur boiteux,
barbouille ma face,
fais-en un reliquaire du monstre du siècle !
Je suis seul, comme le dernier œil
de quelqu’un qui descend chez les aveugles ! »