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Poèmes express – Guillain Méjane

Poèmes express – Guillain Méjane

Brion Gysin et William Burroughs inventèrent le procédé du cut-up en 1959, à Paris, au Beat Hotel, rue Gît-Le-Cœur. Ayant lu La Machine molle et Le Ticket qui explosa, par imitation, Guillain commençait ses premiers cut-up.

Il expérimenta alors cette « méthode d’écriture » avec tout ce qui lui tombait sous la main, prospectus, tracts, catalogues, romans, ouvrages scolaires. En même temps qu’une façon de contrer – modestement – le discours dominant de l’état et des superstructures, en coupant les lignes d’association, c’était aussi un moyen de produire une poésie mécanique dans laquelle les images ne se créaient pas dans le cerveau – à l’instar des Surréalistes – mais directement sur le papier par un procédé technique, un simple coup de ciseaux et un collage, désorganisant-réorganisant les mots et les pages.

Évidemment, le cut-up, bien que réalisant une sorte de recyclage écologique, produisait à son tour, par le biais des coupes aléatoires, des déchets sous la forme de fragments de mots, copeaux de signifiants sans signification. Rapidement, pour des raisons esthétiques et pour satisfaire son cartésianisme sous-jacent, Guillain se résolu de faire disparaître ces lettres inutiles en les caviardant à l’encre noire. Lorsqu’il décida de supprimer l’usage des ciseaux en le remplaçant par ce qu’il appelait – un peu pompeusement – le « cut-up mental », lequel consistait en une sélection, mi-aléatoire, mi-raisonnée, des mots ou groupes de mots à laisser sur la page, le « poème express » naquit.

Bénéficiant du « code » de 1989 par Lucien Suel, lui donnant un nom et un format, en choisissant la matière première dans des romans de gare à deux sous – romans policiers ou sentimentaux trouvés dans la cabane à livre de son village -, en les signant et en les numérotant, le poème express, dérivé des expérimentations de la Beat Generation, est aussi cousin des productions dadaïstes – les mots dans un chapeau de Tristan Tzara et les poèmes simultanés d’Hugo Ball – et du ready-made de Marcel Duchamp.

Il permet en outre de soigner efficacement le fameux « vertige de la page blanche ».

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