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Poème 48 – Gonzalo Millán

Poème 48 – Gonzalo Millán

11 septembre 1973

Le fleuve inverse le fil de son courant.
L’eau des cascades monte.
Les gens commencent à marcher à reculons.
Les chevaux marchent en arrière.
Les militaires rompent leur défilé.
Les balles sortent des chairs.
Les balles entrent dans les canons.
Les officiers rengainent les pistolets.
Le courant retourne dans les câbles.
Le courant pénètre dans les prises.
Les torturés arrêtent de s’agiter.
Les torturés ferment leurs bouches.
Les camps de concentration se vident.
Apparaissent les disparus.
Les morts sortent de leurs tombes.
Les avions volent en arrière.
Les roquettes montent vers les avions.
Allende tire.
Les flammes s’éteignent.
Il enlève son casque.
La Moneda se reconstruit entièrement.
Son crâne se recompose.
Il monte à un balcon.
Allende marche à reculons jusqu’à l’avenue Tomás Moro.
Les détenus sortent de derrière le stade.
11 Septembre.
Les avions reviennent avec les réfugiés.
Le Chili est un pays démocratique.
L’Argentine est un pays démocratique.
Les forces armées respectent la constitution.
L’Uruguay est un pays démocratique.
Les militaires reprennent leurs quartiers.
Renaît Neruda.
Il revient dans une ambulance à Isla Negra.
La prostate le fait souffrir. Il écrit.
Víctor Jara joue de la guitare. Il chante.
Les discours entrent dans les bouches. Le tyran embrasse Prats.
Il disparaît. Prats revit.
Les chômeurs retrouvent leurs contrats.
Les ouvriers défilent en chantant.
Nous vaincrons !

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