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Papineau – Nérée Beauchemin

Papineau – Nérée Beauchemin

La nuit, pleurant la fuite et la mort des étoiles,
Du manoir ancestral enténébrait le seuil.
Il trépassa. Le deuil, déployant de longs voiles,
De muettes douleurs fit escorte au cercueil.

La tristesse des noirs exils couvre la terre
Dans laquelle le corps a voulu se coucher,
Et rend plus angoissant l’abîme du mystère
Où Dante, sans pâlir, ne pourrait se pencher.

Sur l’herbe où le sentier du pèlerin s’enfonce,
L’hiver n’a point fait choir les palmes des cyprès ;
Mais quel fatal hiver a tué sous la ronce
Ces radieuses fleurs qui calment les regrets ?

Novembre, au jour marqué, novembre en larmes passe,
Et, comme un long cortège en prière, les vents,
Les grands vents, dont la plainte errante emplit l’espace,
De tombeaux en tombeaux, implorent les vivants.

Papineau ! Papineau ! Le parc funèbre écoute,
Sur la grille et le mur du sépulcre éploré,
Le tintement de l’eau qui tombe goutte à goutte,
Et rien n’est comparable à son émoi sacré.

Où donc est-il, grand Dieu ! le fier protestataire,
Qui, portant haut l’orgueil d’une race, a jeté
Dans le souffle et l’éclat du verbe héréditaire,
Le cri de hardiesse et de virilité ?

Où donc est-il celui qui dominait l’orage,
Et qui, dans sa rancœur farouche, un jour, s’est tu ?
Des hauteurs de quel rêve, à travers quel nuage,
Dans quel glorieux vide, où s’est-il abattu ?

Où sont-ils donc ces jours, dont la cendre et la flamme,
Sans que meure l’éclair du fantôme qui fuit,
Vont s’évanouissant dans le recul du drame
Comme un feu de montagne, en un brouillard, la nuit ?

Hélas !… tout est gisant. Et tout ce que la tombe
En ses vastes secrets n’a pas enseveli,
À l’infini remonte, à l’infini retombe,
Dans un silence lourd comme un siècle d’oubli.

Ô Pitié ! toi que navre encore un tel désastre,
Ne vois-tu pas, au moins, dans tes grands jours du bien,
N’as-tu pas vu, parmi la poussière de l’astre,
Le signe, le rayon d’un baptême chrétien ?

Toi qui peux, au suprême instant, donner l’absoute,
Laisse luire, ô pitié, l’étincelle d’espoir,
Et rallume à nos yeux la mèche que le doute
Écrasa sous le poids du tragique éteignoir !

Ô troublante hantise ! Ô tristesse ! L’Histoire,
Devant Dieu, le seul juge infaillible des temps,
Interdite, s’arrête… et le burin de gloire
Sur les tables de bronze, est encore en suspens.

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