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Noël historique – Nérée Beauchemin

Noël historique – Nérée Beauchemin

Je la vois, comme alors, la rustique cabane,
Avec son toit en pointe et ses pans de bois ronds,
Que décorent, l’été, les roses de savane,
Les grands soleils d’or pâle et les bleus liserons.

Je la vois en esprit, la mission nouvelle,
Qui n’avait pour curé qu’un humble desservant,
La pauvre mission qui n’avait pour chapelle
Que ces murs sans larmier, sans perron, sans auvent.

Je la vois, comme en rêve, et j’assiste à la messe
Que, parfois, y vient dire un fils de saint François.
On ne le vit jamais manquer à sa promesse.
Or, un jour, à Noël, il advint qu’une fois…

Une fois, Jean-François fut près de passer outre.
Le pain sacré manquait. Plus d’hostie, à Noël !
« J’ai rompu la dernière au chantier de la Loutre. »
Et le Père, angoissé, pleurait, les yeux au ciel.

Mais une vieille femme, en robe de futaine,
Lunettes sur le nez, le chapelet aux doigts,
Leur dit : « J’aurai tôt fait de vous tirer de peine.
On ne se trouble pas pour si peu, dans les bois. »

Et la vieille céans, pour leur en donner preuve,
En farine broyant quelques grains, un par un,
Quelques beaux grains luisants d’un blé de terre neuve,
Fit une hostie, et vint l’offrir au Père brun.

Et l’office fut dit. Deux chandelles, pour cierges,
Une nappe de lin sur l’humble autel, et puis,
Dans un verre, le jus vermeil des vignes vierges,
Et dans un autre, l’eau cristalline du puits.

Et le Père, ce jour, fit sur l’Eucharistie,
Le plus touchant, le plus beau de tous ses sermons.
« Gloire au blé, disait-il, gloire au blé de l’Hostie !
« Gloire au blé du pays, au blé que nous semons !

« Gloire au blé dont la fleur est la fleur la plus fine !
« Gloire au blé que le prêtre a mangé dans ce lieu !
« Gloire au blé dont la chair devient la chair divine,
« Au blé qui s’est fait chair, au blé qui s’est fait Dieu !

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