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Nietzsche est mort ! – Claude Pélieu

Nietzsche est mort ! – Claude Pélieu

NIETZSCHE EST MORT !
(signé DIEU)

Jack Kerouac est mort. Dieu éprouve un profond chagrin.

(L’Univers et ses robots auront peut-être le dernier mot, on discutera la liberté avec d’énormes ectoplasmes préraphaélites, embusqués dans les fleurs carnivores), on ne discutera pas la liberté, même si des spécimens malades désirent prendre le pouvoir.

Bleu et vert, le printemps éclate.

La prose sauvage de Kerouac était le vent de la vie. Jazz gratuit et disque-cocaïne dans les rues sans lèvres. Kerouac fuma une dernière cigarette, assis sur un nuage, bougeant avec les morsures de l’oubli. Un murmure mauve a répondu, Allen, Gregory, John C. Holmes & Peter ont pleuré, et les fleurs muettes t’ont bombardé de cris frais.

Le poids d’une absence, la mort sans phrase de Neal Cassady, un écho rouge mord les palmes du hasard — une odeur de sable cerne l’espace vide de Lowell — cris d’eau et bruits blancs des saxophones rouges de calcium, archives bleues et sourires charbon de bois « naufragés dans ton oreille », comme le rire de Neal s’éteignant sur le ballast au Mexique.

Archives vides qui furent tes carnets secrets, sur lesquels tu notais tous tes rêves. Sexplosion d’un Mexique blanc dans la poussière avec tes héros secrets. « L’Océan Qui Inonde » Hungry Jack Incogniteau de Kerouac, surgissant de la vision américaine, titubant une dernière fois au-dessus de St. Peterburg.
Jack Kerouac est mort. L’horrible alcool a eu raison de lui.

(C’était un homme seul, un homme très seul, a dit sa femme, Stella. Quelqu’un a pleuré sur le Cosmodrome de Floride, the sunshine state), et les télex crachent la mauvaise nouvelle sur un carré de ciel bleu. Les transistors de l’innocence hurlent à travers un réseau de tubes, de câbles et d’images, et derrière la démocratie électronique le cimetière de l’espèce humaine.

L’explosion tragique de l’image-mot.

La vignette du temps fluide tatoue la surface de la terre.

Kerouac ne se promènera plus sur les rochers de Wild Cat Creek et de Bixby Canyon, « Hé son âme qu’on damne ».

Youthquake, Day-Glo Acid Rock, voyageurs intrépides dansant sur les plages californiennes et entre les rails de la Southern Pacific. (Nous apparaissons et nous disparaissons dans un air de catastrophe, les myopes et les branleurs de virgules n’y peuvent rien, partout nous rencontrons l’échec, et pour en être sûr il suffit d’avoir connu une seconde d’extase après s’être transformé en feu. Quelques longs poèmes en témoignent, et les Chorus ! … les minus balbutient dans le mur du sommeil… Témoignage-? LES BRUITS DE L’OCÉAN PACIFIQUE À BIG SUR, « urnes lorgnées dans l’œil de poisson — pour trouver l’autre face du disque »)

Debout, contre les portes de la nuit, laissant entrer l’amour glorieux, le Christ Beat vacille, Ti-Jean, Lonesome Traveller, des yeux magiques, Visions of Neal et les « pâles miroitements de l’écume » quand tu pleurais ton chat.

Il y a trois semaines, ici même, nous parlions de toi avec William, et dans le brouillard de Cherry Valley avec Allen… et tu as entrepris ce voyage d’encre, comme Bomkauf & Chris McLaine disparaissant dans ce vieux western, en tirant les ficelles de ta poésie/journal, bopology & arc-en-ciel… une feuille d’adieu emmène la dent colorée de Ken Kesey au-dessus des grandes plaines.

« Gimme Liberty or Meth ! » Les nations paranoïaques bégaient. Dieu délaie la nuit. Bulles froides fauchant le temps, bulles froides creusant la vie, il neige, il fait choc, New York est froid et triste, et le vent s’attelle aux étoiles filantes, les fleurs s’accrochent aux branches, et aujourd’hui silence-pivoine au-dessus de Londres. Syncope spermatique sur la piste de la mémoire — silence éjaculé par la morsure-stéréo, et les leçons de la vie sous d’épais bandages — le jour tombe, chronique des sourires.

L’horreur ça existe et ça bouge entre les jointures malades de l’Univers.

Bruits abominables, minus organisant des actions violentes conçues dans la toux du passé, le gras d’un goitre étouffe toute une génération — week-end studieux coupé dans la nuit blanche, gigue méningée des microsillons du passé — la tension monte toujours à El Paso, les machines à sous de Vegas vomissent… un jet d’ambre au-dessus de Miami Beach… Atlantic Grove, le Golfe du Mexique, et ici, Summerhealth Road, dans le cul anthropophage.

L’innocence sait déchiffrer les cris du vent. Nous bougerons sur toutes les ondes. Les anges aiment les fantaisies de Dieu. Xerox & IBM nous offrent une nouvelle civilisation. Une enseigne verte absorbe Piccadilly Circus, néon, fusillade de lumière, épisode inventant de plus en plus vite une sténo.

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