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Mort de Cyrano – Edmond Rostand

Mort de Cyrano – Edmond Rostand

CYRANO, est secoué d’un grand frisson et se lève brusquement.
Pas là ! non ! pas dans ce fauteuil !
On veut s’élancer vers lui.
Ne me soutenez pas ! Personne !
Il va s’adosser à l’arbre.
Rien que l’arbre !
Silence.
Elle vient. Je me sens déjà botté de marbre,
Ganté de plomb !
Il se raidit.
Oh ! mais !… puisqu’elle est en chemin,
Je l’attendrai debout,
Il tire l’épée.
et l’épée à la main !

LE BRET
Cyrano !

ROXANE, défaillante
Cyrano !

Tous reculent épouvantés.

CYRANO
Je crois qu’elle regarde…
Qu’elle ose regarder mon nez, cette Camarde !
Il lève son épée.
Que dites-vous ?… C’est inutile ?… Je le sais !
Mais on ne se bat pas dans l’espoir du succès !
Non ! non, c’est bien plus beau lorsque c’est inutile !
Qu’est-ce que c’est que tous ceux-là !- Vous êtes mille ?
Ah ! je vous reconnais, tous mes vieux ennemis !
Le Mensonge ?
Il frappe de son épée le vide.
Tiens, tiens ! -Ha ! ha ! les Compromis,
Les Préjugés, les Lâchetés !…
Il frappe.
Que je pactise ?
Jamais, jamais ! -Ah ! te voilà, toi, la Sottise !
Je sais bien qu’à la fin vous me mettrez à bas ;
N’importe : je me bats ! je me bats ! je me bats !
Il fait des moulinets immenses et s’arrête haletant.
Oui, vous m’arrachez tout, le laurier et la rose !
Arrachez ! Il y a malgré vous quelque chose
Que j’emporte, et ce soir, quand j’entrerai chez Dieu,
Mon salut balaiera largement le seuil bleu,
Quelque chose que sans un pli, sans une tache,
J’emporte malgré vous,
Il s’élance l’épée haute.
et c’est…
L’épée s’échappe de ses mains, il chancelle, tombe dans les bras de Le Bret et de Ragueneau.

ROXANE, se penchant sur lui et lui baisant le front
C’est ?…

CYRANO, rouvre les yeux, la reconnaît et dit en souriant
Mon panache.

RIDEAU

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