Mon terroir – Guillaume Poncelet
Enfant, j’inventais des espaces
En dessinant des monts violets
Des arbres bleus, des vaches grasses
Et des chemins qui serpentaient
Mais ma campagne, ma nature
Quand je me prends à y songer
Est un pauvre coin de verdure
Un maigre jardin potager
Ce lopin, ce bout de clairière
C’est tout ce que j’ai pour terroir
Puisque ma famille ouvrière
Prend souche sur du goudron noir
Ce minuscule coin champêtre
Pris dans un pâté de maisons
On l’aperçoit de ma fenêtre
Fermé dans ses murs en béton
Là ne planent point de légendes
Où l’âme puise et s’aguerrit
Il donne ce qu’on lui demande
Quatre tomates, trois radis
Ce petit morceau de culture
Ce fut ma part de merveilleux
Tout le reste est littérature
On triche quand on devient vieux
Je ne suis pas né en Provence
En Savoie ni en Beaujolais
Mon sang a l’odeur de l’essence
Et mon pays est gris et laid
J’ai grandi parmi les usines
Au deuxième chez mes parents
Une chambre et une cuisine
D’où l’on voit ce petit arpent
Ce clos de rêves et de salades
C’est mon paradis défendu
Était à un voisin maussade
Je n’y suis jamais descendu.