Lycée – André Frédérique
Les cabinets mugissent périodiquement
les portes du dortoir cognent
les billes roulent dans la cour
dans le préau les cris du mois de juillet
jouent aux quatre coins
l’ombre du surgé surgit
derrière la serre vitrée
qui sent la réglisse
suivie par celle du proto
drapé dans la toge d’Homère
Et le sans-cul cherche sa tête
dans les lavabos
Les bizuths dégringolent les escaliers
de bois poursuivis par les oreillards
empaillés du prof d’hist nat
Les craies de couleur au tableau
grincent en équations phénoménales
sous une averse d’hommes en papier
Le petit Daugé mort du croup
tient les tulipes
que lui avait portées La Chèvre
et sourit
les pions défilent
tout de noir vêtus
Camembert, Cumou et Le Tatou
Un enterrement s’organise
autour du pensionnaire
debout dans son tablier mangé par les trous
le tambour joue tristement des défilés
la cloche sonne — le concierge dans les rangs
passe en vendant des lacets de soulier
« Caramels à deux sous
Caramels à cinquante centimes ! »
des citrons peints et des cerises fausses
Le prof de dessin fait asseoir la classe
autour du cortège pour croquer la mort
le crayon vertical
entre le pouce et l’index devant l’œil mi-clos
Le père Daugé me lance des pierres
à la figure
les autres rigolent
C’est moi qu’on enterre
Daugé sort en chantant de la bière
Tous crient « Hou, hou la quille »
et me poussent dans le cercueil
Le tambour et la cloche sonnent à tour de bras
le prof de maths
me jette par une fente du couvercle
la « table de logarithmes »
du Bouvard et Ratinet
l’« Orient et la Grèce » de Malet et Isaac
le « de viris » l’« epitome »
et « le Cornélius Nepos »
jusqu’à ce que personne
ne puisse entendre mes cris.