L’inondation générale menace – Charles Bukowski
l’inondation générale menace, mais rien ne change, et la règle des instituteurs fait toujours aussi mal, et les vers continuent de ronger le maïs. les voilà qui mettent leurs mitrailleuses en batterie, alors que les ventres, qu’ils soient blancs ou noirs, restent des ventres. on matraque les hommes pour le plaisir de le faire ; au tribunal, le dernier acte est joué d’avance, et ce qui précède le jugement n’est que du vaudeville. on vous pousse dans une salle d’interrogatoire et, lorsque vous en ressortez, vous n’êtes plus que la moitié d’un homme, et parfois plus rien du tout. il en est qui appellent de tous leurs vœux la révolution mais, quand elle a vaincu et que l’heure est à la formation d’un nouveau gouvernement, qui voit-on resurgir, se serait-il affublé d’un masque de carnaval, sinon ce bon vieux Père tout-puissant ? on dit qu’à Chicago les flics ont commis une lourde erreur en tapant sur le crâne des représentants de la grande presse – il se pourrait en effet que cette dérouillée les réveille –, car cette grande presse-là s’est arrêtée de penser le jour où l’on est entré dans la Première Guerre mondiale (à l’exception néanmoins du New York Times de l’époque et de quelques numéros de The Christian Science Monitor). en faisant saisir OPEN CITY, pour avoir reproduit une partie naturelle du corps humain, on ne court aucun danger, alors qu’à botter le cul de l’éditorialiste d’un canard qui tire à un million d’exemplaires, on risque qu’il se mette, envoyant au diable les annonceurs publicitaires, à écrire la vérité sur la Convention de Chicago, ou sur n’importe quel autre sujet. il est probable qu’on ne lui laisserait passer qu’un seul édito, sauf que pour une fois un million de lecteurs auraient de quoi réfléchir, et qu’il serait alors impossible d’en prévoir les conséquences. mais tout est verrouillé : n’avoir le choix qu’entre Nixon et Humphrey, cela revient à décider s’il faut manger sa merde chaude ou froide.
en vérité, ça ne bouge nulle part. les événements de Prague ont refroidi la plupart de ceux qui avaient oublié la Hongrie. et pourtant ils continuent de se traîner dans les parcs avec le Che en effigie et les portraits de Castro pour conjurer le mauvais sort, et ils hurlent OOOOOOOOMMMMMOOOOOOOMMM, lorsque William Burroughs, Jean Genet et Allen Ginsberg leur en donnent l’ordre. or ces écrivains sont finis, ils ont sombré dans la mollesse, la répétition, la nullité, ce sont désormais des femmelettes – pas des pédérastes, des femmelettes –, et si j’étais flic, je prendrais mon pied à écrabouiller leur cervelle faisandée. d’accord, j’accepte que l’on me pende pour ce blasphème. l’écrivain qui s’affiche dans la rue se fait sucer sa substantifique moelle par les imbéciles. il n’y a qu’une chose qui convienne à l’écrivain : la SOLITUDE devant sa machine à écrire. un écrivain qui descend dans la rue est un écrivain qui ne sait rien de la rue. j’ai fréquenté assez d’usines, de bordels, de prisons, de parcs et d’orateurs publics pour remplir la vie de cent hommes. descendre dans la rue quand on a un NOM, c’est choisir la facilité – ils ont tué Dylan Thomas et Brenda Behan avec leur AMOUR, leur whisky, leur idolâtrie et leurs vagins, et ils en ont presque massacré cinquante autres. QUAND VOUS LÂCHEZ VOTRE MACHINE À ÉCRIRE, VOUS LÂCHEZ VOTRE FUSIL AUTOMATIQUE, ET LES RATS RAPPLIQUENT AUSSITÔT. lorsque Camus a commencé à discourir devant les académies, son style s’en est allé. à ses débuts, il ne distribuait pas la bonne parole, il écrivait ; ce n’est donc pas une voiture qui est responsable de sa mort.
quand certains de mes rares amis me disent : « Buko, tu devrais lire tes poèmes en public », ils ont du mal à admettre que je puisse leur répondre : « pas question ! »
et donc on a Chicago, et donc on a Prague, et ce n’est guère différent de ce que l’on a connu par le passé. le jeune homme se fait casser la gueule, mais qu’il grandisse (s’il grandit), et ce sera lui qui tiendra le bâto., certes, je préférerais voir Cleaver élu plutôt que Nixon, mais ça changerait quoi ? ces foutus révolutionnaires de mes deux, qui traînent chez moi à boire ma bière et à piocher dans ma bouffe, tout en exhibant leurs nanas, doivent comprendre que la révolution se fait d’abord à l’intérieur de nous-mêmes. on ne peut pas, comme s’il s’agissait d’un chapeau neuf, donner à l’homme un nouveau gouvernement, car, quel que soit son chapeau, l’homme ne change pas. et que Dizzy Gillespie lui joue ou non tout son répertoire, son goût de la médiocrité n’ira pas en diminuant, ni son bide d’ailleurs. nombreux sont ceux qui s’en vont répétant que la révolution est imminente, mais je détesterais qu’ils se fassent tuer pour rien. en clair, vous pouvez liquider pas mal de gens sans que la société soit liquidée. au pire, vous aurez perdu les meilleurs d’entre vous, et alors qu’aurez-vous gagné sinon un pouvoir qui s’exercera CONTRE le peuple ? une nouvelle dictature qui s’avancera tout de blanc vêtue ; et toutes ces grandes idées n’auront servi qu’à faire parler la poudre.
l’autre soir, un gamin m’a dit (il trônait au milieu de la moquette, et son beau regard brillait d’intelligence) :
— j’ai un plan : boucher tous les égouts. comme ça, la ville va s’enfoncer dans le caca.
entre nous, ce blanc-bec avait déjà suffisamment aligné de propos merdiques pour que soient rayés de la carte Los Angeles et une bonne moitié de Pasadena.
ce qui ne l’a pas empêché d’ajouter :
— t’aurais pas une autre bière, Bukowski ?
sa radasse a alors croisé si haut ses jambes que la brève vision de son slip rose m’a liquéfié. aussi je me suis levé pour aller lui chercher une bière.
évidemment que la révolution est indissociable du romantisme. en apparence du moins, car c’est d’abord du sang, des tripes et de la folie ; et aussi des adolescents qui n’en reviendront pas, sans comprendre d’ailleurs ce qui s’est passé, car c’est encore votre puits d’amour, votre légitime, éventrée par une baïonnette après avoir été sous vos yeux sodomisée. car ce sont des hommes torturés par d’autres hommes qui se seront auparavant tirebouchonnés avec les cartoons de Mickey Mouse. aussi, avant de vous lancer dans l’action, vérifiez d’où vient le vent et s’il soufflera encore quand tout sera terminé. Dos. a tort de penser – CRIME ET CHÂTIMENT – qu’un homme n’a pas le droit de disposer de la vie d’un autre homme. on peut cependant y réfléchir à deux fois. bien sûr, le problème, c’est que les autres se sont emparés de nos vies sans tirer un coup de feu. moi aussi, j’ai travaillé pour des salaires de misère pendant qu’une immonde crapule de Beverly Hills défleurait de jeunes vierges de 14 ans. j’ai vu des mecs virés pour être restés cinq minutes de trop aux chiottes. j’ai même été témoin de saloperies dont je préfère ne pas parler. il n’empêche qu’avant de supprimer ce qui existe, assurez-vous que la nouveauté vous profitera, qu’elle ne ressemblera pas aux conneries haineuses que débite la politicaille opportuniste dans les lieux publics. puisque vous risquez d’y laisser la peau et les os, assurez-vous que la garantie excède les trente-six mois réglementaires. jusqu’ici, je n’ai connu que ce désir irréfléchi et romantique de Révolution ; jamais il ne m’a été donné d’entendre un leader irréprochable et un programme crédible qui nous protégerait de la TRAHISON, laquelle a toujours fini par l’emporter. si je décide de tuer un homme, ce ne sera pas pour qu’on le remplace par son clone. vis-à-vis de l’Histoire, nous nous sommes toujours comportés comme une bande de poivrots jouant aux dés dans les gogues d’un bistrot de banlieue. j’ai honte d’appartenir au genre humain, mais je ne souhaite pas en remettre une louche, je préférerais m’améliorer, ne serait-ce que petitement.
c’est une chose que de discourir sur la Révolution, en se gorgeant de bière qu’un autre aura brassée et en voyageant en compagnie d’une fugueuse de 16 ans originaire de Grand Rapids ; c’est encore une chose que de s’enflammer pour la Révolution quand trois connards d’écrivains de réputation internationale vous font gesticuler sur OOOOOOOOOOMMM ; mais c’est autre chose que de la préparer et que de la déclencher. Paris, 1870-1871, 20 000 morts dans les rues, une ville noyée sous un déluge de sang, avec les rats qui sortent de leurs trous pour s’attaquer aux cadavres et un peuple, hagard, affamé, qui erre sans comprendre et qui se jette sur les rats pour les dévorer. et, ce soir, que se passe-t-il dans Paris ? qui y vit, alors que ce blanc-bec continue de sourire et de crachouiller sa merde comme si rien de tout ça n’avait existé ? bon, d’accord, il n’a que 20 ans et il lit surtout de la poésie, mais qu’est-ce que la poésie, sinon un torchon humide sur le rebord d’un évier ?
et n’oublions pas l’herbe. qui, pour eux, rime avec Révolution. mais l’herbe n’est pas la solution. par le sang du Christ, s’ils la légalisaient, la moitié d’entre eux arrêterait d’en fumer. la prohibition a engendré plus d’ivrognes que les varices de nos grand-mères. on n’enfreint les interdits que parce qu’on nous les impose. qui a envie de baiser son épouse tous les soirs ? ou même d’ailleurs une fois par semaine ?
il y a des tas de choses que j’aimerais faire. comme, avant toute chose, ne plus me farcir de candidats à la présidence aussi nuls. et puis aussi, de m’occuper des musées. qui sont ce qu’il y a de plus déprimant et de plus puant au monde. je n’ai d’ailleurs jamais compris pourquoi, dans leurs escaliers, on ne molestait pas plus de petites filles de 3 ans. aussi, pour commencer, j’installerais à chaque étage au moins un bar. lequel paierait à lui seul les salaires du personnel, la réfection et la sauvegarde d’un certain nombre de toiles ainsi que celle du trou de balle du tigre préhistorique – le tigre Machérode – qui commence à se confondre avec la poche d’un billard. ensuite de quoi, je ferais venir des orchestres de rock, de jazz et de musique classique, plus trois ou quatre superbes créatures qui nous remettraient d’aplomb. si l’on ne vibre pas, comment peut-on apprendre, comment peut-on voir ? après avoir contemplé, derrière la vitre étouffante, le tigre préhistorique, la plupart des visiteurs s’enfuient à tire d’aile, rongés par la honte et l’ennui.
en revanche, imaginez un type et sa louloute, tenant chacun une bière dans leur main et admirant les énormes crocs de ce tigre. à coup sûr, lui s’exclamerait :
— bordel, vise un peu ces boutoirs ! ne dirait-on pas un éléphant ?
tandis qu’elle lui répondrait :
— trésor, si on se rentrait à la maison pour que tu me défonces ?
résultat :
— suce ton pouce, si ça te tente ! car j’ai pas envie de rater le Spad 17 qu’ils ont au sous-sol. paraît qu’Eddie Rickenbacker l’a piloté, et qu’avec il a descendu dix-sept boches. de plus, on m’a assuré qu’il y avait aussi en bas le Pink Floyd.
or les révolutionnaires veulent mettre le feu aux musées. ils s’imaginent que le feu est la seule réponse qui convienne. si elle courait moins vite, ils brûleraient leur grand-mère. pour autant, ce sont les mêmes qui iront chercher les pompiers et les chirurgiens pour les délivrer de leur prostate, ou qui que ce soit d’autre pour les protéger des égorgeurs fous lorsque tombe la nuit. ou bien alors ils décideront de recenser tous les rats de la ville – les vrais, pas les humains à face de rat. et découvriront que ces rats sont les derniers à se noyer, à brûler, à crever de faim, et donc les premiers à trouver eau et nourriture puisque aussi loin qu’on remonte dans le temps ils y sont toujours parvenus sans l’aide de quiconque. les rats sont les seuls révolutionnaires authentiques ; ils constituent le seul véritable underground ; car ils ne s’en prennent à nous que lorsqu’ils ont faim, et ce n’est pas eux qui se trémousseraient en glapissant OOOOOOOOOMMM.
je ne dis pas qu’il faille renoncer. au contraire, je n’aspire qu’au triomphe de l’esprit humain où qu’il se manifeste, où qu’il se dissimule, et quelque forme qu’il prenne. mais méfiez-vous des charlatans qui vous poussent au combat et qui vous abandonneront dans la fosse en compagnie de quatre flicards teigneux, de huit ou neuf gardes nationaux, et avec pour unique issue de secours votre nombril. les salopards qui vous incitent au sacrifice du haut de leurs tréteaux se débineront le plus loin possible quand la fusillade commencera. c’est qu’ils tiennent à rester en vie pour écrire leurs mémoires.
dans le rôle d’attrape-couillons, la religion a une longueur d’avance. et pas que l’église officielle qui ne trompe personne. du dernier de ses paroissiens au prêtre lui-même. non, je songe à ces sectes relookées de blanc virginal. foutre, en voilà qui ont toujours su se payer sur l’animal. que de fois m’y suis-je rendu quand j’étais ivre et qu’on refusait ma clientèle dans les bars. on pouvait s’y asseoir et participer au spectacle. c’était mieux que de rentrer chez soi et se triturer les méninge. dans le hit-parade de l’arnaque à l’encens, L.A. ainsi que N.Y. et Philadelphie occupaient les premières places, faut dire que leurs prêcheurs rivalisaient avec les meilleurs artistes. si bien que j’entrais en transe et que je me roulais moi aussi sur le plancher. sans doute parce que la plupart d’entre eux n’émergeaient de leur gueule de bois – ça se voyait à leurs yeux injectés de sang – que pour pouvoir retourner au plus vite s’en jeter un, quitte à ce que ce fût de l’eau pétillante – mais qui s’en soucie, hein ? – et que du coup ils se mettaient en quatre pour nous piquer nos dollars.
reste qu’une fois sur le plancher j’étais, comme qui dirait, plutôt désangoissé et gentiment moulu. comme effet, ça surpassait une partie de jambes en l’air, même si l’on ne consommait que par défaut. aussi, pour ces nuits de rigolade, je tiens à remercier ces illusionnistes qui, pour la plupart, étaient, pardon de le signaler, des noirs ; il me semble que si jamais j’ai pu écrire de la poésie, elle leur doit quelque chose.
aujourd’hui, leur espèce est en voie de disparition. car ils avaient beau braire comme des ânes ou saloper, en se roulant par terre, leurs derniers vêtements propres, Dieu ne nous a jamais payé notre loyer ni une bouteille de vin. Dieu se contentait de nous dire ATTENDEZ, mais c’est dur d’ATTENDRE quand on a le ventre vide, l’âme à la dérive, et le pressentiment qu’on ne dépassera pas les 55 ans, d’autant que la dernière fois que Dieu nous est apparu, ça remonte à environ deux mille ans ; et d’ailleurs, qu’a-t-il alors fait, sinon quelques tours de magie pas très convaincants ? de sorte qu’une poignée de Juifs l’a démasqué et qu’il a dû quitter la scène, un homme finit toujours par ne plus supporter la souffrance. une rage de dents ou la même petite bonne femme dans la même petite chambre en ont tué plus d’un.
mes chers frères, imposteurs religieux et imposteurs révolutionnaires s’entendent comme larrons en foire ou, si vous préférez, comme le trou du cul et la chagatte. si vous l’admettez, il y a de l’espoir. prêtez-moi votre attention, et vous éviterez de plonger. alors que si vous avalez leurs racontars, vous courez droit à la tombe. Dieu n’est descendu de l’arbre que pour expulser de l’Éden le serpent et ce joli con bien serré ; à présent, c’est Karl Marx, le plus souvent grimé en noir, qui se dissimule dans ce même arbre, et qui vous jette des pommes en or.
s’il y a une guerre, et il y en a une – il y en a toujours eu une –, c’est celle d’où sont sortis Van Gogh et Mahler, Dizzy Gillespie et Charlie Parker ; aussi, voici mon conseil : surveillez bien vos leaders, nombre d’entre eux préféreront toujours siéger à la présidence de la General Motors plutôt que de foutre le feu à la station Shell sur le trottoir d’en face. et ce n’est que parce que la General Motors n’en veut pas qu’ils jouent les incendiaires. les voilà, les rats à visage humain qui s’assoient depuis des siècles sur notre malheur. regardez Dubcek revenant de Moscou, zombie promis à la camisole de force. or les hommes doivent se persuader qu’il vaut mieux mourir en se faisant lentement arracher les couilles qu’en vivant à genoux, inconcevable ? pas plus qu’un miracle. à supposer que vous soyez faits aux pattes, mesurez toujours ce que vous acceptez de donner en échange de votre libération, sinon vous y perdriez votre âme. Casanova laissait courir ses doigts, ses mains sous les robes des dames pendant que le roi faisait écarteler ses sujets ; mais lui aussi, il a fini par mourir, ce vieux machin qui n’aura eu pour tout courage qu’une grosse bite et une langue de léchouillard. dire qu’il a bien vécu n’est pas mentir. comme de dire que j’irais volontiers cracher sur sa tombe ne serait pas mentir. les belles dames s’acoquinent le plus souvent avec le plus immonde salopard qu’elles puissent trouver ; c’est aussi pour cette raison que le genre humain fait du surplace : les Casanova retors et increvables se sont, à cause de nous, multipliés à l’infini, aussi creux que les lapins en chocolat que nous offrons, chaque dimanche de Pâques, à notre malheureuse progéniture.
à l’image des repaires de révolutionnaires, les repaires d’artistes grouillent de la plus invraisemblable collection de tarés qui cherchent dans le coca-cola à se consoler de n’avoir pu se faire engager comme plongeurs ou de ne pouvoir peindre comme Cézanne. si vous êtes incapable de réaliser vos ambitions, priez ou changez de direction. et si ce n’est pas encore la bonne, bifurquez de nouveau, on prend son plaisir où l’on peut.
tenez, moi, aussi vieux que je me fasse, j’ai plaisir à vivre dans cette époque. SIMPLEMENT, LES BAS DE GAMME EN ONT MARRE QU’ON LES FASSE TROP CHIER. c’est ce qui se passe partout. à Prague, dans le ghetto de Watts, en Hongrie, au Vietnam. les gouvernements ne cherchent pourtant pas l’affrontement, c’est l’Homme qui se dresse contre eux. un Homme qu’on ne peut plus abuser avec le Noël blanc de Bing Crosby, ni avec les œufs de Pâques qu’il doit cacher afin que ses enfants SE CRÈVENT À LES DÉNICHER. les bas de gamme en ont ras le cul de ces futurs présidents des États-Unis dont les trognes sur les écrans de télé les font courir aux gogues pour y vomir.
j’aime cette époque, j’aime ce qui s’en dégage. les jeunes se sont enfin mis à réfléchir, et ils sont de plus en plus nombreux. mais chaque fois qu’ils se découvrent un porte-drapeau, voilà qu’on l’assassine. atteints par la limite d’âge ou la réussite matérielle, les autres ont les foies. ils pressentent que les urnes sont grosses d’une révolution à l’américaine, qu’on pourrait les liquider sans tirer un coup de feu. qu’il nous suffirait, en devenant plus réalistes et plus humains, de ne plus élire les grosses merdes, mais ils ont plus d’un tour dans leur sac. par exemple, en nous forçant à choisir entre Humphrey et Nixon, or, comme je l’ai déjà dit, froide ou chaude, c’est encore et toujours de la merde.
la seule chose qui m’empêche d’être assassiné, c’est que je suis moi-même une petite merde, que je n’ai pas d’opinions politiques, que je ne suis qu’un observateur. mon seul parti, c’est le parti du pur humanisme. ce qui n’est pas, tout compte fait, d’une grande originalité – un représentant de commerce ne s’exprimerait pas autrement ; il n’empêche que ça m’englobe comme ça vous englobe, car si l’on me supprime, vous n’existez plus non plus.
que chaque homme qui arpente le pavé soit chaussé de bonnes godasses, qu’un joli cul soit à portée de sa main, et que quelque chose de chaud lui emplisse aussi l’estomac, voilà qui suffirait à mon bonheur, les mecs. quand je pense, pauvre de moi, que c’est en 1966 que j’ai tiré mon dernier coup et que depuis je n’ai fait que me branler. or veuve poignet ne rivalisera jamais avec une belle fente.
frères, les temps sont durs, et je ne sais plus quoi trop vous dire. je suis blanc et je dois reconnaître que ce n’est pas très glorieux – mais un changement de pigmentation ne réglerait rien, car la merde est la couleur dominante. des Noirs répugnants, j’en ai suffisamment vu pour pouvoir gerber tout le long de la route qui conduit de Venice Ouest à Miami Beach. l’Esprit n’a pas de peau ; il n’est formé que de cordes qui veulent VIBRER, et ça, frères, vous devez l’entendre, hein ? sinon, faites silence et écoutez. chatte en chaleur et Cadillac dernier cri ne résoudront jamais rien. idem lorsque Popeye aura perdu un œil et que Nixon occupera la Maison-Blanche. depuis que le Christ est redescendu de sa croix, c’est nous qui sommes cloués, et solidement, à ce fils de pute, qu’on soit noir ou blanc, blanc ou noir.
le choix qui s’offre à nous n’en est donc pas un. si on fait bouger trop vite les choses, ils nous tueront. mais si on met la pédale douce, pareil, ils nous tueront. la partie continuera de se jouer sans nous.
comment d’ailleurs couler son bronze lorsqu’on a dans le fion un bouchon de 2 000 mètres de christianisme ?
pour vous orienter, inutile de lire Marx. trop desséchée comme came. ne vous branchez, s’il vous plaît, que sur l’esprit. Marx, ce sont les chars à Prague. ne vous égarez pas sur cette voie de garage. plongez-vous en priorité dans Céline, le plus grand écrivain depuis 2 000 ans, mais bien sûr sans négliger L’ÉTRANGER de Camus. que vous ferez suivre par CRIME ET CHÂTIMENT et LES FRÈRES KARAMAZOV. tout Kafka également. ainsi que les bouquins du méconnu John Fante. ajoutez-y les nouvelles de Tourgueniev, évitez Faulkner, Shakespeare et surtout George Bernard Shaw, la plus abominable baudruche de notre Ère, un authentique con doré sur tranche qui ne s’est – promis, juré – imposé que grâce à ses relations politiques et littéraires. pour les contemporains, le seul qui me vienne à l’esprit et qui était parti pour tout casser mais qui s’est traîné à plat ventre quand on le lui a demandé, c’est Hemingway. reste qu’entre Shaw et Hemingway, il y a un gouffre : Hemingway a réussi dans ses débuts quelques bons trucs alors que Shaw a, sa vie durant, aligné des stupidités vaniteuses et soporifiques.
je l’avoue, je suis en train de mélanger Révolution et Littérature, mais ça va bien ensemble, non ? tout est dans tout, et réciproquement. bon, je commence à fatiguer et demain est un autre jour.
qui sait d’ailleurs si les flics ne me tireront pas du lit ?
mais qui s’en souciera ?
j’espère que cette dernière remarque vous a fait renverser votre tasse de thé.