Les mots, les gestes, non – Jean-Michel Maulpoix
Les mots, les gestes, non, je n’aurai pas vraiment su. Hormis le jambon à l’os, la part de fromage de Brie, la bouteille de vin rouge et le gâteau au chocolat que j’achetais près de la gare d’Asnières, en descendant du train, lorsque je venais dormir à la maison. Semaine après semaine, notre dîner de rois. Mais sa part à lui toujours plus petite. Hésitant à manger encore un peu, de peur de ne pouvoir dormir…
Je l’ai laissé partir. Retient-on par la manche celui qui n’en peut plus de ne plus rien pouvoir, écœuré de sa propre fatigue, et tellement désireux de ne plus peser sur personne ? Mon père, mon pauvre père… Couché là dans la boîte en bois. Promis à la pourriture et à l’oubli.
Dans l’album de photographies dont je tourne les pages, il est celui que l’on ne voit jamais, celui vers qui chacun regarde et par qui il existe : l’œil invisible du photographe.