Les deux gisants – Jean Tardieu
Ils descendaient au fil de l’eau
les deux gisants les deux amants
dans le sourire de la mort
et la lumière de l’amour
était leur seule barque.
Entre l’espace qui les porte
et le temps qu’ils ont dépassé
ils avançaient sans avenir
et les gestes de la rivière
étaient leurs seuls mouvements.
Ô morts enfermés dans la vie
emportant la terre et le ciel
dans vos yeux grands ouverts,
ô figures inaltérables
d’un instant sans retour !
Unis apaisés et semblables
au fond de moi ils passent sans bouger
Je les contiens puisque je suis le fleuve
je les comprends puisque je suis la nuit
dans mon silence j’ensevelis
un rire un soleil éclatants.