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Les dames – Rudyard Kipling

Les dames – Rudyard Kipling

J’ai pris mon plaisir là où je l’ai trouvé ;
J’ai eu ma période de polissonneries et de vagabondages ;
J’ai eu ma ration de petites fiancées,
Et dans le lot quatre étaient exceptionnelles.
Une était une veuve métisse,
Une était une femme de Prome,
Une était l’épouse d’un palefrenier en chef,
Et une est une fille du pays.

Maintenant j’en ai pas, et les dames,
Pour ce qui est d’aller jusqu’au bout avec elles,
On peut jamais savoir tant qu’on a pas essayé,
Et même là on a de grandes chances de se tromper.
Il y a des fois où on croit que ça va pas marcher,
Il y a des fois où on sait que ça va marcher;
Et ce qu’on apprend de celle qui a la peau jaune ou brune
Ça aide bien pour comprendre celle qui a la peau blanche !

J’étais tout jeune à Hooghly,
Aussi timide qu’une fille pour me lancer ;
Aggie de Castrer m’a eu,
Et Aggie était d une intelligence diabolique ;
Plus vieille que moi, mais c’était ma première –
Elle a été plutôt comme une mère –
Elle ma montré comment m’y prendre pour arriver à mes fins,
Et j’ai beaucoup appris sur les femmes grâce à elle !

Ensuite j’ai reçu l’ordre d’aller en Birmanie,
Comme responsable de l’intendance,
Et je me suis mis avec une petite païenne
Rencontrée en achetant du ravitaillement à son père.
Drôle, jaune, fidèle,
Une poupée dans une tasse à thé que c’était,
Mais on vivait sans se cacher, comme un couple marié,
Et j’ai beaucoup appris sur les femmes grâce à elle !

Et puis j’ai été muté à Nimach
(Sinon je serais peut-être encore avec elle en ce moment),
Et je me suis lié avec une diablesse à la peau luisante,
L’épouse d’un nègre de Mhow.
Elle m’a enseigné l’argot des nomades ;
Une sorte de volcan que c’était,
Elle m’a donné un coup de couteau une nuit où je regrettais qu’elle soit pas blanche,
Et j’ai beaucoup appris sur les femmes grâce à elle !

Et puis comme soldat de cavalerie je rentre au pays,
Accompagné d’une môme de seize ans —
Une fille qui sortait d’un couvent de Meerut,
La plus honnête que j’aie jamais rencontrée.
L’amour coup de foudre a été pour elle un problème,
Elle ne savait pas ce que c’était ;
Et je ne voulais pas faire pareil, car elle me plaisait trop,
Mais – j’ai beaucoup appris sur les femmes grâce à elle !

J’ai pris mon plaisir là où je l’ai trouvé,
Et maintenant il me faut payer pour mon plaisir,
Car plus on en a connu d’autres,
Moins on veut se fixer avec une.
Et pour finir on reste là, assis à réfléchir,
Et on rêve qu’on voit les feux de l’enfer ;
Alors que mon sort vous mette en garde (je sais qu’il n’en sera rien),
Et apprenez beaucoup sur les femmes grâce à moi !

Qu’a pensé Madame la colonelle ?
Personne ne l’a jamais su.
On a demandé à la femme du sergent,
Et elle a dit la vérité !
Quand il est question d’un homme,
Elles sont comme deux gouttes d’eau –
Car Madame la colonelle et Judy O’Grady la petite Irlandaise
Sont, au fond d’elles-mêmes, deux sœurs !

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