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Les aveugles – Léon Degrelle

Les aveugles – Léon Degrelle

L’argent, les honneurs, les corps gâchés, l’âpreté à saisir un bonheur terrestre qui fuit entre les doigts et s’échappe toujours, ont fait du troupeau humain une horde pitoyable, se ruant, se déchirant pour trouver des libérations qui n’existent pas.

Cohue où les rires sonnent faux, pour nous rappeler qu’il ne s’agit pas de troupeaux mais d’hommes.

Ce piétinement de maudits a saisi les peuples, après les individus.

Ce n’est plus une ronde d’isolés, happés par des passions ou par des vices. Ce sont les collectivités qui sont aspirées par le vertige des désirs impossibles, désir d’être le premier, c’est-à-dire d’écraser, désir de baser sa puissance sur la matière, c’est-à-dire d’étouffer et d’éliminer le spirituel, dans des efforts d’autant plus inutiles que l’humain fond à l’étreinte et que le spirituel ressurgit toujours, comme un reproche, ou comme une malédiction.

La bassesse a dépassé les cercles limités des « élites » pour gagner les cercles étendus des masses, atteintes, elles aussi cette fois, par les ondes répandues à l’infini de l’envie, de l’ambition et des pseudo-plaisirs qui ne sont que des caricatures de la joie.

L’eau claire des cœurs s’est troublée jusqu’aux lignes les plus lointaines.

Le fleuve des hommes charrie une longue odeur de vase.

Le désordre du siècle a bouleversé tout ce qui était jadis lumière, roseaux et vols plongeants des hirondelles.

Les hommes et les peuples se toisent, l’œil violent, les mains marquées par la flétrissure et par les morsures que leur ont laissé les proies brûlantes vite avilies. Chaque jour le monde est plus égoïste et plus brutal.

On se hait entre hommes, entre classes, entre peuples, parce que tous s’acharnent à la poursuite de biens matériels dont la possession furtive révèle le néant.

Mais tous délaissent les biens, tendus à chacun, de l’univers moral et de l’éternité spirituelle.

Nous courons éperdus, le front ensanglanté d’avoir cogné tous les obstacles, sur des chemins de haine, ou d’abjection, ou de folie, criant nos passions, nous jetant vers tout, pour être seuls à saisir ce qui pourtant ne sera saisi jamais.

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