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Les années lumière – Fred Pellerin

Les années lumière – Fred Pellerin

C’était le commencement d’une histoire,
Au point zéro de notre monde.
Rien pour la nostalgie,
Tout pour l’espoir,
Juste de l’avenir pour se répondre.

C’était la nuit des temps,
La longue veille.
Avant le mal d’Adam,
Avant le cœur de l’Ève,
On venait d’annoncer
Que le soleil allait se lever sur la Terre.

Pour attraper ce moment sacré,
Ce spectacle d’aurore et d’origine,
Sur une montagne ronde et usée,
Quatre yeux plongés dans le vide.
Juste là, immobiles, silencieux.

Une grand-mère sur une souche,
Avec un enfant dépeigné, anxieux,
Attendant que le ciel accouche.
Dans leurs pupilles en reflet flou

Là où le bleu s’appelle l’infini
On distingua l’entre chien et loup
Du violacé et puis du bruit

Des dizaines d’hommes apparurent,
Tous en criant et en cravate,
Se placèrent debout devant l’azur
Pour voir le paysage en face.

Voyez cette forêt vaste et grouillante,
Les arbres à scier, à chauffer et à vendre,
Le gibier qui court, les oiseaux qui chantent.
À nous le bois, les fourrures, et les viandes.

Tout ce temps là, sur la souche,
En arrière, en témoins secrets dans la rosée,
Gardaient la pose, les yeux grands ouverts,
La grand-mère et l’enfant muet.

L’horizon coulât son spectre vers le rouge.
Encore des bruit et cette fois ci,
Des centaines de personnes marchant en couple,
Des femmes, des hommes, avec leur appétit.

Voyez la vaste vallée à nos pieds,
Pour son sous-sol et pour ses fruits,
Plantons les clôtures et les pancartes privées.
À nous, la terre et ses profits.

Le prisme coulât jusqu’à ce que l’orange brille.
Et dans le bruit, des arrivants par milliers,
Mère, père, et enfants des familles,
Sans scrupules sur la propriété.

Voyez la rivière et sa source et sa fuite,
Pour la mise en bouteille pour les poissons,
Pour son potentiel énergétique.
Toute cette eau sera à notre nom.

Les familles élargies prirent le large,
Heureuses et se félicitant en laissant derrière elles, le paysage.
Et sur la souche, les deux guetteur patients.

Enfin, vint le jaune et le jaune jusqu’à l’or.
Jusqu’à ce que la ligne n’en puisse
Plus de retenir sa gestation d’aurore
Et que l’horizon se déchire en deux.

Par l’ouverture, ils virent s’élever,
Dans le ciel neuf, au grand réveil,
L’assiette de toutes les clartés,
La roue à aube, le soleil.

Il nous restera ça,
La grand-mère se décide
à se placer debout, devant le monde :
« Regarde mon enfant, c’est la lumière, et ça,
Ça appartiendra jamais à personne, à personne »

C’était le commencement d’une histoire.
Et à l’ordre du jour, devant les années lumière,
Éblouîs et plus riches que tous les prospères,
Il y avait l’enfant et sa grand-mère.

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