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L’employé ficelait ses paquets habituels – Fernando Pessoa

L’employé ficelait ses paquets habituels – Fernando Pessoa

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L’employé ficelait ses paquets habituels dans la clarté crépusculaire du vaste bureau : « Quel coup de tonnerre ! » s’exclama sans s’adresser à personne, de cette voix forte dont on lance un « bonjour ! », ce bandit sans cœur et sans pitié. Mon cœur recommença à battre, tout neuf. L’apocalypse s’était éloignée. Il y eut une pause.

Et avec quel soulagement —une lumière forte et crue, un temps, puis le coup de tonnerre brutal — ce coup de tonnerre, encore proche, mais s’éloignant déjà, nous avait-il soulagés de ce qui s’était passé. Dieu avait disparu. Je me sentis respirer à pleins poumons. Je me rends compte qu’on manque d’air dans ce bureau, et je prends conscience qu’il y a là d’autres gens, en dehors de l’employé. Tout le monde était resté muet. On entendit crisser quelque chose de tremblant et de rugueux tout à la fois : c’était la grande feuille d’épais papier du registre que Moreira avait tournée, brusquement, pour une vérification.

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