Le sacrilège du feu – Nérée Beauchemin
Lorsque l’on vit les toits, les voûtes, l’archivolte
Crouler, et le ciel d’or de l’abside s’ouvrir,
Tous ont senti le choc, le sursaut, la révolte
Des autels dont les saints ne veulent pas mourir.
Et tous, devant l’enfer des sacrilèges flammes,
Dont la rage, parfois, semble atteindre les cieux,
Frémirent, angoissés, consternés, et les femmes
Détournèrent la tête et fermèrent les yeux.
C’était la vénérable église vieille France,
Très sainte par le sacre et par le souvenir,
Qui, pour tous, presque humaine, exprimait la souffrance
De l’aïeule qui meurt sans pouvoir nous bénir.
Elle gît, maintenant, sous un linceul de cendre.
Dans l’horreur des parvis où tout est vide et noir,
Des siècles éplorés, la voix se fait entendre :
Un souffle, une ombre, une âme y soupire, le soir.
Rien n’est plus, rien n’est plus de la robe et des voiles,
Des satins, des brocarts, des orfrois, des velours,
Des parures de lys, des couronnes d’étoiles,
Que portait Notre-Dame aux fêtes des grands jours.
Rien n’est plus de la gloire historique des dômes
Arc-boutés dans le roc pour une éternité.
Rien n’est plus dans le ciel en deuil que les fantômes
D’un beffroi morne et d’un clocher décapité.
L’airain n’ébranle plus les tours de la prière.
La chère basilique, elle est morte pour nous.
À peine, à son chevet, une dalle, une pierre
Où nous pourrions prier et pleurer à genoux.
Morte ! oh ! non. De l’encens qui monte des lieux sombres
Où s’aligne, à pleins rangs, un peuple de défunts,
Du vieil encens pieux qu’exhalent les décombres,
L’affreux bûcher n’a pas brûlé tous les parfums.
Non. Celle dont la mitre illustre les diptyques
Va renaître, non pas des cendres que le feu
Consume, mais des cœurs issus des cœurs antiques,
Cœurs profonds, toujours pleins des richesses de Dieu.