Le chapelet des morts – Nérée Beauchemin
Sur les larmes-de-Job dont la chaîne de fer
Porte le crucifix de cuivre et la médaille,
Grand’mère, dans la chambre, égrène, maille à maille,
Le chapelet, pour ceux d’autrefois et d’hier.
Pâle sœur des défunts, sainte de l’oratoire,
Pâle ombre dont les jours ne sont plus qu’un long soir,
De plus près que personne, elle entend, sans le voir,
L’être éploré qui clame au fond du purgatoire.
Afin d’ouvrir à tous, les paradis rêvés,
Pour tous ceux dont les corps gisent au cimetière,
Abandonnés déjà, sans secours, sans prière,
Larme à larme, elle épand la plainte des avé.
Seule, jointe à la peine, au nostalgique exil
Des âmes qui lui sont parentes, elle prie:
« A l’heure de la mort, priez pour nous, Marie,
Priez pour eux, priez, ô Mère! Ainsi soit-il. »
Un ange emportera le message qu’envoie
Celle qui s’est vouée aux deuils du souvenir.
Les larmes, les regrets, les douleurs, vont finir
Dans la communion de l’éternelle joie.
La sainte femme a l’air presque immatériel,
Et nous nous demandons si l’auréole blanche,
Dont l’âge a couronné la tête qui se penche,
N’est pas quelque reflet anticipé du ciel.