L’angélus lyrique – Nérée Beauchemin
Très haut, le promontoire, aux murailles moroses,
Monte dans le décor
De tous les feux de pourpre, et de toutes les roses
D’un crépuscule d’or.
Du flot qui roule au large, on n’entend plus la houle ;
Et le fleuve puissant,
Avec la majesté des grands calmes, refoule
La mer qui redescend.
Or, voici qu’un son grave a frappé le silence,
Et qu’au branle profond
Du dôme épiscopal, de distance en distance,
Un long branle répond.
Une à une, à l’instant, seconde par seconde,
S’envolent d’autres voix,
D’autres sons cadencés dévalent à la ronde,
Dévalent à la fois.
C’est le bronze royal des tours de la prière
Qui s’ébranle et s’émeut,
Et chante, tout rugueux de rouille et de poussière,
Du plus divin qu’il peut.
La tombe même écoute, et l’ancien baptistère,
Comme au tressaillement
Des grandes orgues, songe avec plus de mystère
Et d’émerveillement.
Oh ! le miraculeux angélus qui pénètre
Jusqu’au gîte des morts,
Et, plus riche de sens, fait partout reconnaître
Les lyriques accords !
Tout un passé de gloire et de chevalerie
Salue, en même temps,
La Dame, en ses manoirs, et, dans le ciel, Marie,
Depuis trois fois cent ans !
Québec, sans faire offense à la Vierge, à l’Archange,
Québec se ressouvient :
À l’une et l’autre Dame, il offre en sa louange
La part qui lui revient.
Et l’écho du vieux fleuve et des vieilles murailles
Répète à l’infini :
Que le fruit immortel de leurs chastes entrailles,
À jamais, soit béni !