Sélectionner une page

La vocation du bonheur – Léon Degrelle

La vocation du bonheur – Léon Degrelle

Plus on avance parmi les sourires hypocrites, les yeux cupides, ou malpropres, les mains intéressées, les corps flétris, plus on est déçu par la médiocrité de l’existence.

On s’aperçoit vite que seules restent solides et éternelles les joies mises dans nos cœur quand nous étions petits.

C’est alors qu’on nous rend heureux ou malheureux pour toujours.

Si nous avons eu une enfance calme, douce comme un grand ciel doré, si nous avons appris à aimer et à nous donner, si nous avons joui, tout petits déjà, de l’enchantement que nous dispensaient à toute heure le ciel et la lumière, la nature toujours à notre portée et toujours changeante, si on nous a fait un cœur simple comme le regard des bêtes, naïf comme le matin, humain, sensible, bon, lié aux affections vraies et naturelles, la vie restera pour nous, jusqu’au bout des chemins rocailleux ou boueux, pareille au ciel qui domine puissant et clair les fondrières des plus mauvaises routes.

Il y a une vocation au bonheur.

On la développe ou on l’étouffe.

Si on forme les enfants, simplement, à des joies profondes mais élémentaires, ils avanceront dans la vie en gardant dans leurs yeux la lumière de leur vie intérieure, équilibrée, sans déportements continuels.

Mais si on déjette leur enfance, s’ils ont trop vu ou trop entendu, s’ils ont été pris dans un tourbillon, si des années de tendresse calme n’ont pas fortifié en eux le bonheur fragile de leur innocence, alors leur vie sera ce que leur enfance fut : au lieu de voir le désordre, ils seront eux-mêmes le désordre.

N’ayant jamais été stabilisés dans leurs goûts, leurs sentiments, leurs pensées, ils seront à la merci des bourrasques, des joies troubles qui les brûleront et créeront du malheur aux dépends des autres.

Après il devient difficile de changer.

On ne redresse pas un arbre durci ; on peut tout au plus, alors, dégager le feuillage ou couper des branches.

Mais lorsqu’il était jeune, plein de sève, on eût pu le plier d’un doigt agile, le guider, l’aider à s’épanouir.

C’est à l’heure où les enfants ont simplement l’air de jouer, de regarder, sans plus, un moineau ou une alouette, d’épeler des mots et de donner des baisers, qu’ils photographient dans leur cœur, dans leur imagination, le spectacle exact que nous leur donnons.

La vie ne fera que développer la photographie ; les acides de l’existence imprimeront en eux les images, belles et puissantes, ou troubles et attristantes, que nous aurons offertes à leurs petits yeux curieux, à leur cœur net comme une feuille de papier brillante.

Ce dont notre orgueil ou notre agitation, ou hélas nos passions les auraient privés, nous le payerons cruellement plus tard en les voyant instables, insatisfaits, l’âme veule, ou l’âme ravagée par notre faute.

Archives par mois