La prière ancestrale – Nérée Beauchemin
Comme à la Chandeleur, allumant sa chandelle,
Devant le Christ qui pend à la croix de bois noir,
La mère a commencé la prière du soir,
Et la famille vient se grouper autour d’elle.
Dans la coquille, où trempe un rameau desséché,
Plongeant le doigt que l’eau des Pentecôtes mouille,
Après s’être signé, dans l’ombre, on s’agenouille
Sur les nœuds et les clous du rustique plancher.
Et, dans le grand silence, et, d’espace en espace,
La chambre se remplit d’un murmure de voix,
Vibrant l’une après l’autre ou vibrant à la fois,
Bourdonnement confus de voix claire et voix basse :
Dieu des peuples heureux, Dieu des peuples en larmes,
Dieu de tous nos amis, Dieu de tous nos parents,
Au nom des plus petits comme au nom des plus grands,
Notre Père, écoutez le cri de nos alarmes.
Vous qui fîtes courir au pays âpre et dur
De la pluie et du vent, du gel et de la neige,
Tous ces Héros dont l’âme aujourd’hui nous protège,
Pour nous entendre, ouvrez votre grand ciel d’azur.
Penchez-vous, et voyez s’il est peine plus grande
Que celle de ceux qui, de longs jours en longs jours,
Sans fin recommençant semailles et labours,
Des moissons d’or vous font exubérante offrande.
Laissez prier pour nous le cœur glorifié
De nos pères défunts, de nos défuntes mères,
Qui gagnèrent le ciel à force de misères.
Laissez prier le sang du grand Crucifié !
Laissez prier pour nous le saint cœur de Marie,
Le saint cœur de Joseph, le saint cœur de Jésus ;
Laissez prier pour nous le peuple des élus
Pour le peuple éploré de notre humble Patrie.
Laissez prier pour nous Brébeuf et Lallemant,
Madeleine et Dollard, Laval et Jeanne Mance,
Laissez prier pour nous cette céleste France,
Celle qui, près de Vous, siège éternellement.