La mer est un livre d’images – Jean-Michel Maulpoix
Celui qui le feuillette affectionne ses dessins naïfs. Il pose ses doigts sur la couleur et il épelle comme un enfant des mots dont le sens lui échappe. Il dit ainsi le bleu qu’il garde en tête. Le cœur lui tourne un peu : ballotté d’une idée de ciel à une autre, il cogne de travers et passe de main en main. Il roule, il coule, ou flotte entre deux eaux, avec sa cargaison de sang et de mélancolie. En s’approchant un peu, on y verrait passer des sortes de navires, de nacelles, ou de goélands ; on verrait filer des îles et des lueurs, et circuler la foule des aventuriers de tout poil, avec leurs paquetages et leurs galoches, et se lever des îles du beau milieu des flots… Dieu sait sur quel roc on le retrouvera, frissonnant dans ses haillons, échoué comme un paquet d’algues, calciné, noir et sec, lavé de ce qu’il lui restait d’amour.