La lune d’autrefois – Rudyard Kipling
À l’ombre de la véranda profonde,
Quand les chauves-souris prennent leur envol,
Je m’assieds et observe – hélas !
La mort d’un nouveau soir.
D’un rouge sang derrière le voile brûlant
Elle se lève dans la brume.
Par la Sainte Diane ! Est-ce donc là
La Lune d’autrefois ?
Ah ! Ombre de la petite Kitty Smith,
Douce sainte de Kensington !
Dites, lavez-vous jamais vu luire ainsi chez nous,
La Lune d’août,
Quand en se donnant le bras nous nous promenions sans but
À Putney, dans la brume du soir,
Et que Hammersmith était un paradis sous
La Lune d’autrefois ?
Mais ici le ruisseau de la Wandle est la rivière Satlej,
Et la brume du soir sur Putney
Est devenue la poussière qu’une cinquantaine de vaches
Soulève devant ma fenêtre.
Négligée, sale, à travers le brouillard
La ville grouillante apparaît indistinctement,
À la place des ajoncs dorés de Putney
Fleurissent les maladifs acacias d’Arabie.
Vénérable Hécate, jette à travers la poussière un regard aveuglant,
Et fais hurler le chien errant,
Fais disparaître des égouts le germe de la typhoïde,
Et de chaque bazar sa puanteur ;
Et même, aspire la mauvaise fièvre qui est dans le réservoir
Et mine ma santé ;
Grâce au ciel, tu montres un visage souriant
À la petite Kitty Smith !