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La jeune vagabonde – Gertrud Kolmar

La jeune vagabonde – Gertrud Kolmar

La nuit,
Quand la lune orange a tout à fait tourné à l’argent,
D’autres arrivent encore et apportent de l’or,
Des chaînettes, espèces sonnantes et trébuchantes, qui batifolent autour de ma nuque,
Des pierres en fleurs qu’on marchande dans d’obscurs coffrets,
Roule dans du satin bleu paon et rouge pavot.

Je ne les prends pas toutes : je méprise les turquoises stupides ;
Les diamants ont des arêtes scintillantes, trop réelles, je ne les aime pas.
Je tiens la perle grise, sa lumière songeuse,
Et l’énigme opale – ainsi était le pré dans le soir ? –
Et la topaze citron, qui brise la calamité.

Ô yeux verts du serpent, avez-vous nom émeraude ?
Tels sont des yeux qui se sont emplis de moi
Jusqu’à ce que je dise « Assez » et que ma bouche les enveloppe,
Quand Il échangeait avec moi le plaisir de ses chasses
Et se défaisait de sa peau de bête rayée, balourde et chiffonnée.

Qu’est-ce qui est bon ? Je ne sais. Dieu me punira-t-il ?
Qu’est-ce qui est mal ? Personne ne m’a enseigné la méchanceté.
Les femmes portent des chaînes et des enfants ; l’homme porte une épée,
Et il est doux de dormir contre une poitrine
Qui est autre que la nôtre, dure et hérissée de villosités.

Bientôt,
Quand à nouveau de grandes armes, jetant des éclairs d’argent, se croiseront,
Quand la tunique du marchand se dispersera en fleurs jaunes et noires,
Je recomposerai une vieille chanson qui endorme et qui berce ;
Mais le charmeur de couleuvres dans les fissures des murs
A déjà été vaincu par le chatoiement verdâtre de l’enfant.

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