La complainte de la Butte – Jean Renoir
En haut de la rue Saint-Vincent, un poète et une inconnue,
S’aimèrent l’espace d’un instant, mais il ne l’a jamais revue.
Cette chanson, il composa, espérant que son inconnue,
Un matin d’printemps l’entendra quelque part au coin d’une rue.
La lune trop blême pose un diadème sur tes cheveux roux.
La lune trop rousse, de gloire éclabousse ton jupon plein d’trous.
La lune trop pâle caresse l’opale de tes yeux blasés.
Princesse de la rue, sois la bienvenue dans mon cœur blessé
Les escaliers de la Butte sont durs aux miséreux ;
Les ailes des moulins protègent les amoureux.
Petite mendigote, je sens ta menotte qui cherche ma main ;
Je sens ta poitrine et ta taille fine, j’oublie mon chagrin.
Je sens sur ta lèvre une odeur de fièvre
De gosse mal nourrie et sous ta caresse,
Je sens une ivresse qui m’anéantit.
Les escaliers de la Butte sont durs aux miséreux ;
Les ailes des moulins protègent les amoureux.
Mais voilà qu’il flotte, la lune se trotte
La princesse aussi sous le ciel sans lune,
Je pleure à la brume mon rêve évanoui.