Il y a beaucoup de gens qui sont ainsi – Robert Brasillach
(Extrait)
Il y a beaucoup de gens qui sont ainsi, et j’avoue que c’est un grand mystère. Pourquoi faut-il que certains êtres, animés des meilleures intentions, fassent toujours de leur vie une sorte de gigantesque gaffe, de gaffe surnaturelle ! Vous savez, ces malheureux enfants qui veulent faire une surprise à leur maman, qui mettent la table avant qu’elle ne soit rentrée, par exemple. Eh bien, ils cassent la soupière, ou le sucrier, et on les envoie coucher sans souper. Il arrive à tant de gens de casser le sucrier. Au contraire, vous voyez de sales types, de mauvais bougres, à qui il prend fantaisie, un beau jour, de commettre une bonne action. Et cette bonne action réussit, d’une manière insolente, radieuse, et on les bénit, et on dit : ils ne sont pas si méchants que ça. Tandis qu’à côté de ça, une brave femme, un brave homme, s’avancent en tremblant, essayent de remettre de l’ordre dans une maison, de raccommoder les époux séparés, de soigner des malades, d’apaiser une querelle, et ils cassent tout, et le malade crève, et la querelle s’envenime et les époux divorcent. Dans leur vie privée, ces malheureux ont essayé d’aimer, de connaître la chance. Ils ont abordé les grands sentiments avec un espoir immense, mais aussi avec ce rétrécissement de leur nature dont ils n’arriveront jamais à se débarrasser, ce tremblement mesquin qui offense sans doute la vie. Alors tout craque, et leur grand amour devient sordide accouplement, ou sordide querelle, et leur sacrifice tourne à l’aigreur et au chantage, et ils s’en vantent, et ils se rendent insupportables. C’est affreux, mais nous n’y pouvons rien : ils n’ont pas la grâce.