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Il prend la plume ou le pinceau – Jean-Michel Maulpoix

Il prend la plume ou le pinceau – Jean-Michel Maulpoix

Il ne dessine le visage de personne, il invente les anges qui dorment au-dessous. De ses semblables, il mélange les traits, pour qu’on ne puisse les reconnaître et qu’ils se sentent ainsi moins seuls, moins prisonniers de leur figure et de leur corps périssable. Il trempe un peu leurs yeux dans le gris bleu de la mer, car la mer n’a guère de visage, et le dedans de l’homme comme elle est pâle et bleu, avec ses dieux, ses idées folles et ses marées. S’il ne donne pas de nom à ces pantins de sucre qui s’en vont fondre au large, c’est pourtant toujours le même homme qu’il appelle et qu’il imagine : celui qui attend l’autobus ou le train de banlieue, les ailes repliées sous l’imperméable, à la même heure toujours sur le même quai, prêt à s’embarquer vers le premier jour de sa propre vie.

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