Il n’est pas vrai – Robert Brasillach
(Extrait)
Il n’est pas vrai que les grands événements, dans une vie humaine, marquent si profondément les êtres qu’on le croit. Chacun a connu ces heures de douleur et d’agonie où tout semble possible, et la mort et la torture. Mais chacun ne souhaite alors qu’une chose, ce que souhaitait Marie, c’est-à-dire le sommeil. Car la douleur est un passage, et l’important est de le traverser avec le moins de dégâts possible, et on ne rêve qu’a dormir, à dormir sans rêves, et l’on voudrait se réveiller, la bouche amère, mais délivré, juste au moment ou le passage sera franchi. Ainsi s’anéantissent, ainsi disparaissent dans cette nuit plus profonde et plus grave que la nuit de l’oubli et qui est la nuit du souvenir, l’inquiétude pour un être aimé, l’amour trahi, l’angoisse physique, la peur et la guerre, et la mort. Ainsi deviennent matières de mémoire tous ces traits de feu qui torturaient non point seulement l’âme, mais la chair, car il n’est point de douleur vraie qui ne soit physique. Mais comme toute autre, et comme le plaisir, elle passe, s’enfonce dans une indiscernable grisaille, et nous en émergeons un jour, un peu fatigués, un peu pâlis, et pleins de paroles.
Nous en émergeons pour reprendre, après les interpolations de la souffrance et de la gloire, le cours monotone de notre existence vraie, et le sens monotone de notre vie vraie, et le sens de la vie est d’être terne.