Epitaphe d’un ami – George Byron
Ô toi que j’ai tant aimé, toi qui me seras éternellement cher, de combien d’inutiles pleurs j’ai arrosé ta tombe révérée ? Que de gémissements j’ai poussés à ton lit de mort, pendant que tu te débattais dans ta dernière agonie ! Si des larmes avaient pu retarder le tyran dans sa marche, si des gémissements avaient pu détourner sa faux impitoyable, si la jeunesse et la vertu avaient pu obtenir de lui un court délai, et la beauté lui faire oublier sa proie, à ce spectre, tu vivrais encore, charme de mes yeux, aujourd’hui gonflés de pleurs ; tu ferais encore la gloire de ton camarade, les délices de ton ami. Si ton âme plane encore quelquefois sur le lieu où repose ta cendre, tu peux voir gravée dans mon cœur une douleur trop intense pour être exprimée par le ciseau du sculpteur : le marbre ne marque point la place où tu dors de ton dernier sommeil, mais on y voit pleurer des statues vivantes. L’image de la Douleur ne s’incline pas sur ta tombe, mais la Douleur elle-même déplore ta perte prématurée. Ton père pleure en toi le premier né de sa race ; mais l’affliction d’un père ne saurait égaler la mienne. Nul sans doute n’adoucira ses derniers moments comme l’eût fait ta présence ; pourtant d’autres enfants lui restent pour charmer ici-bas ses ennuis. Mais qui te remplacera auprès de moi ? quelle amitié nouvelle effacera ton image ? Aucune ! — Les pleurs d’un père cesseront de couler ; le temps apaisera la douleur d’un frère jeune encore. Tous, hormis un seul, seront consolés ; mais l’amitié gémira solitaire.