Droit vers la vallée, droit vers la hauteur – Frédéric Nietzsche
Dans la forêt de sapins, à minuit,
Quand la blême clarté de la lune timidement
Traverse les cimes d’un sourire de spectre,
Je te vis debout, solitaire, à part.
Pas un mot ; le vent léger glisse furtivement,
Il monte de la vallée avec un bruissement étouffé,
Et dans le murmure des roseaux, effrayante douceur,
Résonnent des voix d’esprits qui sortent du marais.
Main crispée, l’œil étincelle
Que fascine la roche escarpée,
Ton cœur est comme sous la houle d’une sauvage marée
Dont les vagues battraient la plage.
Murailles en débris, colonnades orgueilleuses,
Le Bourg sous la lumière crue de la lune
Le regarde d’en haut en riant de son œil vide
Ricane, le salue, s’incline, et dit :
« Droit vers la hauteur, droit vers la vallée :
Le soleil tue, la lune donne vie,
Pourquoi regardes-tu, pâle et livide, vers là-haut ?
Fais la montée, car toute chose s’efforce vers la lumière ! »
Il se hisse au sommet, l’escalade, guette
Le murmure qui parcourt les roseaux,
Le vent qui bruisse au long de la falaise,
La chouette dont l’aile frôle la hauteur.
Et la rumeur se rapproche, accent magique,
Souffle, frémissement, comme une vibration de harpe,
Qui à présent se plaint doucement, en douloureuse angoisse :
Expirer — s’effacer — se noyer dans le Tout.
Cela lui saisit le cœur — il monte et se penche,
Et ouvre les bras, étreignant le monde.
Se noyer — sombrer — la colonnade s’efface,
Expirer — se perdre — tomber vers la terre en mille morceaux.