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De ce qu’il faut avoir prévu avant le combat – Sun Tzu

De ce qu’il faut avoir prévu avant le combat – Sun Tzu

Sun Tse dit :

Voici quelques maximes dont vous devez être pénétré avant que de vouloir forcer des villes, ou gagner des batailles.

D’abord conserver son pays et les droits qui en découlent et ensuite seulement conquérir le pays ennemi ; assurer le repos des cités de votre nation : voilà l’essentiel, troubler celui des villes ennemies n’est qu’un pis‑aller ; protéger contre toute insulte les villages amis, c’est votre premier devoir ; faire des irruptions sur les villages ennemis ne se justifie que par la nécessité ; empêcher que les hameaux et les chaumines de nos paysans subissent le moindre dommage : voilà ce qui mérite votre attention ; dévaster les installations agricoles de vos ennemis, c’est ce qu’une disette doit seule vous faire entreprendre.

Quand vous serez bien pénétré de ces principes, vous pourrez attaquer les villes ou engager les batailles : je vous garantis le succès. Toutefois, livrer cent combats et remporter cent victoires, c’est bien, mais ce n’est pas le meilleur. Sans bataille, immobiliser l’armée ennemie, voilà qui est l’excellent. En agissant ainsi, la conduite du général ne différera pas de celle des plus vertueux personnages ; elle s’accordera avec le Ciel et la Terre dont les actions tendent à la production et à la conservation des choses plutôt qu’à leur destruction. Jamais le Ciel n’approuva l’effusion du sang humain : c’est lui qui donne la vie aux hommes ; lui seul doit être le maître de la trancher.

Ainsi, sans donner de batailles, tâchez d’être victorieux, ce sera le cas où, plus vous vous élèverez au‑dessus du bon, plus vous approcherez de l’excellent. Les grands généraux y parviennent en éventant toutes les ruses de l’ennemi, en faisant avorter ses projets, en semant la discorde parmi ses partisans, en le tenant toujours en haleine, en le privant des secours étrangers qu’il peut recevoir et en lui enlevant toute possibilité d’entreprendre rien qui puisse être avantageux pour lui.

Si vous êtes contraint de faire le siège d’une place et de la réduire, disposez vos chars, vos boucliers et vos machines de guerre de telle sorte que rien ne fasse défaut quand il faudra monter à l’assaut. Si, en, moins de trois mois, la place n’a pas été amenée à capituler, c’est qu’il y a eu faute de votre part. Vous devez la trouver et la réparer. Redoublez vos efforts, lors de l’assaut, imitez la vigilance, l’activité, l’ardeur et l’opiniâtreté des fourmis. Je suppose qu’auparavant, vous aurez construit des retranchements, élevé des tours permettant de dominer l’ennemi et que vous aurez pensé à tout ce qui pourrait survenir de fâcheux. Mais si, malgré ces précautions, vous perdez un tiers de vos soldats, sans être victorieux, ne doutez pas que vous avez mal attaqué.

Un habile général ne se trouve jamais réduit à de telles extrémités : sans donner de batailles, il sait soumettre l’ennemi ; sans répandre une goutte de sang, sans tirer l’épée, il fait tomber les villes ; sans franchir la frontière, il conquiert les royaumes étrangers et, dans le temps minimum, à la tête de ses troupes, il procure à son Prince la gloire immortelle, assure le bonheur de ses compatriotes et fait que l’Univers lui est redevable du repos et de la paix.

Par rapport à l’ennemi, vous pouvez vous trou­ver dans une infinité de situations qu’on ne peut toutes ni prévoir, ni énoncer. C’est votre expé­rience qui vous suggérera ce que vous aurez à faire dans chaque cas particulier ; je me borne à vous donner quelques conseils généraux.

Dix fois plus fort que l’ennemi, enveloppez‑le sans lui laisser la moindre issue.

Cinq fois plus fort que l’ennemi, attaquez‑le par quatre côtés à la fois. Deux fois plus fort, partagez votre armée de telle sorte que l’une des parties immobilise l’ennemi et que l’autre l’attaque. Si vous êtes à égalité, engager le combat, c’est le hasard, mais si vous êtes moins fort que l’ennemi, soyez sur vos gardes, évitez la moindre faute. Efforcez‑vous de vous protéger, évitez le combat autant que possible : la prudence et la fermeté d’une petite force peuvent arriver à lasser et à maîtriser même une nombreuse armée.

Celui qui est à la tête des armées peut se consi­dérer comme le soutien de l’État, et il l’est en effet. S’il en a les qualités, l’État sera dans la sécurité ; si elles lui font défaut, l’État en souffrira infailliblement et peut être exposé à la perte. Il n’est qu’une façon, pour un général, de bien servir l’État, mais il en existe de multiples pour lui porter un très grand préjudice. Pour réussir, la bravoure et la prudence doivent toujours accom­pagner les efforts et une conduite habile, mais il ne faut qu’une faute pour tout perdre et à combien n’est‑il pas exposé d’en commettre ? S’il lève des troupes hors de saison, s’il les met en route lors­qu’elles doivent stationner, s’il ne connaît pas exactement les lieux où il doit les conduire, s’il les poste mal, les fatigue sans utilité, les déplace sans nécessité, s’il ignore les besoins de chacun de ceux qui composent son armée, si chacun n’est pas à sa place suivant ses aptitudes, afin qu’un bon parti soit tiré de celles‑ci, s’il ne connaît pas le fort et le faible de chacun et leur degré de fidélité, s’il ne fait pas observer la discipline dans toute sa rigueur, s’il ne sait pas commander, s’il est irrésolu et hésite lorsqu’il faut prendre parti rapi­dement, s’il ne sait pas récompenser, tolère que les officiers briment les soldats, ne prévient pas les dissensions qui peuvent surgir parmi les chefs : un tel général qui commet ces fautes épuise l’État d’hommes et de ressources, déshonore sa patrie et devient lui-même la honteuse victime de son incapacité.

Pour vaincre ses ennemis, cinq choses princi­pales sont nécessaires à un général :

  1. Savoir s’il peut combattre et quand il faut cesser ;
  2. Savoir s’il faut engager peu ou beaucoup ;
  3. Savoir gré aux simples soldats autant qu’aux officiers ;
  4. Savoir mettre à profit toutes les circonstances ;
  5. Savoir que le Souverain approuve tout ce qui est fait pour son service et sa gloire.

Si, en outre, vous savez ce que vous pouvez et ce que vous ne pouvez pas et ce dont sont capables ou non vos subordonnés, si vous livrez cent guerres, cent fois vous serez victorieux. Si vous ne savez que ce que vous pouvez vous‑même, mais ignorez ce que peuvent vos subordonnés, une fois vous serez vainqueur et une fois vous serez vaincu. Mais si vous ne vous connaissez ni vous­-même, ni vos subordonnés, autant de combats, autant de défaites.

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