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Crépu-crêpé – Rudyard Kipling

Crépu-crêpé – Rudyard Kipling

Nous avons combattu beaucoup d’ennemis au-delà des mers,
Et certains étaient courageux, et d’autres pas,
Le Pachtou et le Zoulou et le Birman,
Mais le Crépu était le meilleur de tous.
On n’a jamais pu le faire bouger d’un pouce :
Il s’accroupissait dans les broussailles et frappait nos chevaux,
Il taillait en pièces nos sentinelles à Souakin
Et il jouait au chat et à la souris avec nos forces.
Alors, à ta santé, Crépu-Crêpé, dans ta terre du Soudan;
Tu es un pauvre païen ignare mais un guerrier hors pair
On te donne ton diplôme, et si tu veux le signer
On viendra fêter ça avec toi dès que tu en auras envie.

On a risqué notre vie dans les collines de Khaybar,
Les Boers nous ont complètement assommés,
Les Birmans nous ont refroidis sur le fleuve Irrawaddy,
Et un régiment zoulou nous a servi un plat très relevé.
Mais tout ce que nous avons reçu de gens comme eux
Était de la limonade en comparaison de ce que le Crépu nous a fait avaler.
On a tenu bon, ont dit les journaux,
Mais au corps à corps le Crépu nous a battus à plate couture.
Alors, à ta santé, Crépu-Crêpé, à ta femme et à ton môme ;
Les ordres étaient de t’écraser, et bien sûr on l’a fait.
On t’a descendu avec nos fusils Martini, c’était pas loyal,
Pourtant, avec tout contre toi, Crépu-Crêpé, tu as enfoncé notre carré.

Il n’a pas de certificats à lui,
Il n’a pas de médailles ou de récompenses,
Alors c’est à nous de témoigner de l’adresse qu’il a montrée
En maniant sa longue épée à deux mains.
Quand en bondissant il parcourt la brousse
Avec son bouclier comme un cercueil et sa lance comme une pelle,
Une journée de courses joyeuses avec Crépu Donnera au soldat anglais une année de bonne santé.
Alors, à ta santé, Crépu-Crêpé, et à tes amis disparus,
Si on n’avait pas perdu des camarades on partagerait tes regrets.
Mais l’évangile veut que chacun y mette du sien, et l’affaire se conclura équitablement,
Car si vous avez eu plus de pertes que nous, vous avez écorné notre carré !

Il se précipite vers la fumée qu’on laisse s’élever,
Et avant qu’on s’en rende compte il nous coupe la tête.
Quand il est en vie il broie comme le sable et pique comme le gingembre,
Et en général quand il est mort il ne fait que semblant.
C’est une pâquerette, un petit canard, un agneau !
C’est un idiot en caoutchouc qui fait la bamboula,
C’est la seule chose qui se fiche pas mal
Des régiments d’infanterie de l’armée britannique !
Alors, à ta santé, Crépu-Crêpé, dans ta terre du Soudan ;
Tu es un pauvre païen ignare mais un guerrier hors pair.
Et à ta santé, Crépu-Crêpé, avec ta chevelure comme une meule de foin,
Grand bougre noir et bondissant, car tu as enfoncé un carré de l’armée britannique !

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