Combien de temps fûmes-nous trompés nous deux – Walt Whitman
Combien de temps fûmes-nous trompés, nous deux !
Aujourd’hui métamorphosés, nous nous évadons promptement comme la Nature s’évade.
Nous sommes la Nature, longtemps nous avons été absents, mais à présent nous revenons,
Nous devenons plantes, troncs, feuillages, racines, écorce.
Nous sommes encastrés dans le sol, nous sommes rochers.
Nous sommes chênes, nous poussons côte à côte dans les clairières,
Nous broutons, nous sommes deux bêtes sauvages, mêlées aux troupeaux, primesautières à l’égal des autres,
Nous sommes deux poissons nageant de conserve dans la mer,
Nous sommes ce que sont les fleurs de l’acacia, nous laissons tomber des senteurs par les chemins, de l’aube au crépuscule.
Nous sommes également l’ordure grossière des bêtes, des plantes, des minéraux.
Nous sommes deux éperviers adonnés aux rapines, nous planons dans l’air et regardons en bas,
Nous sommes deux soleils resplendissants, c’est nous qui nous balançons arrondis et stellaires, nous sommes tels que deux comètes,
Nous rôdons dans les bois, quadrupèdes armés de griffes, nous bondissons sur notre proie.
Nous sommes deux nuages voyageant là-haut, les matins et les soirs.
Nous sommes des mers qui se mêlent, nous sommes deux de ces vagues joyeuses qui roulent l’une sur l’autre et s’entr’inondent.
Nous sommes neige, pluie, froid, ténèbres, nous sommes chaque produit et chaque influence du globe.
Nous avons fait des tours et des tours, tous les deux, avant de nous retrouver de nouveau chez nous.
Nous avons épuisé tout hormis la liberté, tout hormis notre propre joie.