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Au temps des semailles – Nérée Beauchemin

Au temps des semailles – Nérée Beauchemin

D’une race musicienne,
Et poète sans le savoir,
Étonné de nous émouvoir,
L’Habitant, l’homme du terroir,
Chante à la façon canadienne.

Il chantonne comme l’Aïeul,
Et son pittoresque ramage
Allège un peu le labourage,
Et fait que le plus dur ouvrage
Marche et marche presque tout seul.

Ô cantilène des semailles
Que la voix traîne au ras du sol,
En ces jours où, de vol en vol,
Chez nous, le premier rossignol
Chante l’Avril dans les broussailles.

Chanson qui n’est prose ni vers,
Qu’on module sans qu’on y pense,
Et que rythme, en rude cadence,
La herse qui zigzague et danse
Sur les mottes des gazons verts.

Chanson qui réjouit la plaine,
Et, dans le vaste espace bleu,
Recueille et porte jusqu’à Dieu,
La gloire de l’homme de peu,
La gaieté de l’homme de peine.

Et lorsque, du dernier sillon,
La glèbe fumante, arrosée
De tant de sueurs, est creusée,
S’épanchent, comme une rosée,
Les trois avé du carillon ;

Voici qu’il se fait sur la terre
Un tel silence harmonieux,
Que l’on croit, dans l’air radieux,
Ouïr, invisible à nos yeux,
Le vol de l’Ange du mystère.

La Vierge écoute… Dieu bénit,
Et promet une récompense
Au labeur, à l’effort immense,
Qui recommence et recommence
Et jamais, jamais, ne finit.

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